Il a joué gros, il a perdu. Cheikh Ahmadou Bamba Fall a tenté de se rapprocher du Président Macky Sall. Malheureusement, il n’a pas eu ce qu’il voulait. Alors, il revient sur ses pas… vers Khalifa Sall pour «verser dans l’opposition radicale». La goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase et poussé le maire de la Medina à changer de posture à l’endroit du Président Macky Sall. C’est cette marche de membres du collectif qui avaient décidé de marcher samedi pour protester, disent-ils, contre le bradage foncier de la commune. Ayant obtenu l’aval du préfet de Dakar pour tenir leur manifestation dont le but spécifique était de «dénoncer la privatisation du terrain du Jaraaf et appeler à la sauvegarde des intérêts du quartier dakarois», leur marche, qui devait partir de la mosquée Omarienne, n’a pas abouti à son point de chute, la Maison de la culture Douta Seck. Après quelques minutes de marche, d’autres jeunes sortis des ruelles ont ouvert les hostilités contre les membres du collectif. Il y a eu des échanges de jets de pierres. Les forces de l’ordre ont dû intervenir pour éviter le pire. Au terme des échauffourées, les membres du collectif ont accusé Bamba Fall d’avoir envoyé les jeunes qui les ont attaqués. Et le maire de la Medina furax accuse le Président Macky Sall d’être derrière les manifestants. Premier acte d’un clash…
Lui qui a un moment donné, lors du décès de son oncle vu toute la république défiler pour lui présenter ses condoléances. A l’époque, malgré l’emprisonnement de Khalifa Sall, il a cautionné le parrainage et n’a pipé mot sur cette forme d’organisation des élections qui avait soulevé l’ire des opposants. Longtemps, beaucoup de Médinois n’ont pas compris son jeu de yoyo en mode clair-obscur à travers un silence intrigant. Aujourd’hui, il retrouve la parole pour contester les méthodes du Président Macky Sall.

Mais qui est Bamba Fall, ce maire soufflant le chaud et le froid dans le landerneau politique?
Le drame personnel de Bamba Fall tient du caractère impitoyable du destin qui l’accable de périlleux crocs-en-jambe. Il n’a pas encore 9 ans, mais déjà orphelin de ses deux parents. Il n’a même pas eu le temps de leur dire au-revoir. C’est d’abord sa mère, Daro Mbaye, plus connue sous le nom de Ndiaya Mbaye, qui quitte ce bas monde sur la pointe des pieds. Bamba Fall, môme au caractère trempé, casse sa carapace, pleure toutes les larmes de son corps, ensuite c’est son père, Moustapha Fall, travailleur acharné à la défunte Société nationale des chemins de fer, ancien chef de gare à Saint-Louis, Thiès, Diourbel qui meurt à son tour.
Dans ce coin de Saint-Louis où la grande famille de l’aïeul Mory Fall est chantée par les griots, célébré par les pique-assiettes, l’on s’organise pour confier à quelques proches la jeune famille de Moustapha Fall. Bamba Fall, né à Diourbel, quitte ce terroir du Baol. Il n’a pas dix ans, quand il arrive à Dakar, chez une de ses grandes sœurs de même père. Peu à peu, il relève la tête, peu à peu, il reprend goût à la vie, s’intègre dans sa nouvelle famille d’accueil. «C’était un garçon très poli, jamais pris à défaut pour un mauvais comportement. Un garçon très facile à vivre», raconte une de ses cousines. La vie de Bamba Fall ne ressemble pas souvent à ce qu’il raconte sur les plateaux-télés et autres studios-radios. C’est plus que ça.
De Bamba Fall, la chronique locale retient son phrasé bourru, ses mots crus, ses vérités drues. Les paroles de Bamba Fall font bourdonner l’oreille. Ecouter le maire de la Médina débiter ses mots, marteler ses énoncés comme des blocs de pierres, extérioriser ses principes les plus enfouis, l’on se dit parfois qu’il en fait trop. Qu’il cherche le buzz. Comme il est courant de l’accuser dans certains cercles. L’on se dit aussi que l’homme de convictions ne transige jamais pour se ranger comme un béni-Oui-oui. Lui, gouaille généreuse, éternel hâbleur sans retenue ni tenue, préfère mourir avec ses idées, mais pas avec celles des autres. Sur les plateaux-télés, l’on devine la constance de ses convictions, ses blessures qui le poursuivent, ses démons qui ne le lâchent pas. Bamba Fall n’est pas le genre à rafistoler son passé, fut-il crasseux, pour en fuir les fantômes. Il assume Tout. Ses amitiés encombrantes, ses leaders désavoués par l’élite du Parti socialiste dont on dit qu’il pourrit par la tête, la colonne vertébrale se casse et qui a du mal à tenir sur ses deux jambes, miné par des guerres intestines qui sapent sa santé et annihilent sa cohésion.
Bamba poulain de Feu Ameth Diène
Que peut-on retenir de son passé, à défaut de connaitre son avenir ? Qu’est-ce qui se cache derrière son caractère trempé ? L’homme ne masque-t-il pas des blessures de son passé difficile ?

A la rue 29×22 de la Médina à Dakar, Cheikh Amadou Bamba Fall alias «Cheikhouna» étudie, joue au théâtre, participe à la vie associative de son Asc, touche à tout, fait montre d’une débrouillardise à nul pareil. Son cursus scolaire se passe sans encombre. Mais à la maison, les priorités familiales n’attendent pas. La dépense quotidienne non plus. Mais dans ce coin de la Médina où les ambitieux se croisent, Bamba marque un précieux point. A l’âge de 14 ans, il réussit un coup de maître pour son entrée en politique. Dans les coins de la Médina, l’anecdote est encore placardée dans certaines maisons. Ce jour-là de l’an 1986, les responsables socialistes tiennent leur réunion de section, en présence de l’inusable responsable Ameth Diène. Le môme Bamba arrive, tiré à quatre épingles, un pantalon noir, une chemise blanche, un nœud papillon, la tête bien coiffée. L’assistance écarquille les yeux devant ce jeune homme, dandy d’un jour sapé comme jamais. Après l’ordre du jour, Bamba Fall qui ne manque pas de cran, demande à prendre la parole. Ameth Diène lui demande d’où il sort et où il milite, pour exiger qu’on lui donne la parole. Alors Bamba lui répond de manière sèche et franche : «Je suis venu pour être membre du Parti socialiste. Parce que j’adhère à ce que vous faites et je veux y apporter ma part.»
Il le dit d’un ton tant décidé et courageux qu’il gagne l’estime de Ameth Diène. Celui-ci va le prendre sous son aile jusqu’à sa mort. Bamba, déjà versé dans les activités culturelles de la Médina, notamment le théâtre, fait une entrée remarquée au Parti socialiste (Ps). Il n’en sortira jamais. Il ne lâchera jamais Ameth Diène, même si la grande tornade du Sopi balaie tout sur son passage. Bamba ne cède pas. Malgré l’ardent désir de changement des Sénégalais. En 1996, il devient le secrétaire élu de l’équipe municipale dirigée par Ameth Diène. Bamba s’accroche aux habits amidonnés de Ameth Diène, il ne le lâchera qu’à sa mort. Cette fois-ci encore le destin lui fait des crocs-en-jambe. Bamba pleure son père de substitution.
Pêle-mêle, il est responsable jeune de la Coordination de la Médina, ensuite responsable de la Coordination de la Médina, secrétaire politique du département de Dakar, membre du Comité central, membre du Bureau politique du Parti socialiste, 4e adjoint au Maire chargé de l’administration et des finances du temps de Me Birame Sassoum Sy, le défunt maire. N’en jetez plus. Mais la consécration viendra après le décès du maire Me Birame Sassoum Sy, le 19 février 2014. Après moult remous et conciliabules, Bamba hérite du titre gratiné de Premier magistrat de la commune de la Médina.
Dans la vraie vie, Bamba Fall a horreur de l’injustice, du mensonge, des traitres… Il lui arrive de s’emporter pour un rien, mais revient très vite de ses colères. A quelques mois des locales, Bamba est obligé de ne plus cacher son jeu. Mais les Médinois qui ne savaient plus à quel maire se fier savent désormais que leur premier magistrat de la ville leur a longtemps caché son jeu.
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