PAR THIERNO BOCOUM
« Nous avons gagné, notre objectif est atteint, les crimes pourront être jugés malgré l’amnistie. » Voilà le nouvel argument fabriqué à la hâte pour maquiller un désaveu aussi éclatant qu’embarrassant. Une tentative de manipulation, encore une pour cacher une défaite juridique retentissante.
Soyons clairs : cet argument est totalement fallacieux. Le respect des engagements internationaux du Sénégal en matière de torture, de traitements inhumains ou dégradants n’a jamais dépendu de cette loi. Les juridictions compétentes étaient déjà en mesure de s’y référer, avec ou sans texte interprétatif.
Invoquer cela aujourd’hui pour sauver la face est un non-sens juridique.
Ce que les juges constitutionnels ont réellement fait, c’est de mettre à nu une entreprise politique grossière, celle de déguiser en loi d’interprétation une tentative d’amnistier des actes que le droit international considère comme des crimes imprescriptibles. Une manœuvre qui visait à blanchir, sous couvert de liberté publique, des faits d’une extrême gravité.
Le Conseil constitutionnel, dans un considérant limpide numero 31, a rappelé l’évidence « Considérant qu’au sers de l’alinéa 2 de la loi attaquée, les faits tenus pour criminels d’après les règles du droit international, notamment l’assassinat, le meurtre, le crime de torture, les actes de barbarie, les traitements inhumains, cruels ou dégradants, sont inclus dans le champ de l’amnistie lorsqu’ils ont un lien avec l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique ; qu’en incluant ainsi dans le champ d’application de la loi portant amnistie des faits imprescriptibles au regard des engagements internationaux à valeur constitutionnelle du Sénégal, l’alinéa 2 de l’article premier de la loi n° 08/2025 du 02 avril 2025, viole la Constitution »
La prétendue victoire n’est donc qu’un rideau de fumée. La loi interprétative a été retoquée, ses intentions démasquées. Le bluff ne prend plus.
Et comme à chaque fois que l’argumentaire ne tient pas, les éléments de langage sont distribués comme des tracts, répétés en boucle par des relais sans esprit critique, sans lecture préalable, sans recul.
Mais le peuple n’est pas dupe. Nous connaissons les ficelles des manipulateurs. L’enjeu aujourd’hui, c’est que celles et ceux qu’ils cherchent à tromper soient assez lucides et informés pour ne pas tomber dans leur piège. Car la lumière finit toujours par percer les ténèbres de la supercherie.
Thierno Bocoum
Juriste- ancien parlementaire
Président AGIR