Par Madou KANE
Sur la rive ouest du Nil, là où le soleil du crépuscule ,Atoum se réfugie , l’Égypte change de souffle.
Tout devient plus dense, plus sacré. Le tumulte du monde moderne s’évanouit, remplacé par une sérénité sépulcrale, presque mystique. Ici, c’est le royaume du couchant, celui des morts glorieux, des pharaons qui se firent bâtir des demeures pour l’éternité.
Notre première halte fut la Vallée des Rois.
Tout y annonce le mystère : un désert pierreux, une lumière crue, des collines qui déchirent le bleu du ciel. Et pourtant, sous ce silence reposent des mondes entiers.
Les tickets achetés, nous empruntons la voiture touristique vers cette fameuse vallée en cul de sac. Une simple coquetterie pour échapper à la marche sous un soleil de plomb .
Nous descendons comme des profanateurs dans les entrailles de la terre. Dans ces cavités, les murs peints de bleu, d’ocre et d’or racontent les périples de l’âme vers l’immortalité. Les » mediou neter » en hiéroglyphes, toujours nets malgré les millénaires, déroulent les chapitres du Livre des Morts comme une symphonie cosmique et les cartouches des souverains du Nouvel Empire.
Les tombes incrustées dans la montagne sont des bibliothèques closes. Les couloirs psalmodient une prière silencieuse gravée dans la pierre.
Dans cette vallée ,les pharaons méditent la règle de Maat et espèrent monter au ciel avec l’aval d’Osiris.
Plus loin, le temple de Hatchepsout surgit de la montagne tel un mirage d’harmonie et de puissance.
Son architecture, à la fois féminine et impériale, épouse le roc comme un poème sculpté dans la matière.
Hatchepsout, femme-pharaon, défie encore les siècles : son visage, reconstitué par l’art et la foi, rayonne d’un calme souverain.
Face à ce chef-d’œuvre restauré de la XVIIIᵉ dynastie, je songe à la force tranquille de celles, comme Ahmes Nefertare ou plus tard les Candace , dans le secret de l’histoire, qui ont porté des empires. Le vent du désert, en glissant entre les colonnes, semblait murmurer son nom : Maâtkarê Hatchepsout.
Nous poursuivîmes vers le Ramesseum, temple-mémoire du grand Ramsès II.
Ici, la gloire se fait majesté brisée : colonnes éparses, statues effondrées, mais présence intacte.
Ce lieu respire la grandeur déchue, le triomphe passé qui refuse de s’éteindre. Sur les murs, les batailles de Qadesh se rejouent à chaque regard. Ramsès, pharaon des pharaons, y défie le temps dans une éternelle proclamation de puissance.
Enfin, sur la plaine, au seuil des champs cultivés, se dressent les colosses de Memnon.
Deux géants assis, deux sentinelles de pierre tournées vers l’est.
Ils gardent le passage, immobiles depuis plus de trois millénaires.
Quand le soleil se lève, leurs silhouettes se découpent sur l’horizon comme deux prières muettes adressées au ciel.
Les habitants racontent qu’autrefois, à l’aube, l’un d’eux chantait ,un son venu du ventre de la pierre, saluant le jour nouveau. Aujourd’hui encore, le silence des colosses semble plein de ce bruit évanoui.
Assis face à eux, je contemplais le Nil au loin, ruban d’eau vive qui sépare la terre des vivants de celle des ancêtres.
Un contraste saisissant : là-bas, sur la rive est, s’étend la vie, les marchés, les hôtels, les voix humaines.
Ici, tout se tait, tout s’élève.
L’ouest de Louxor est un sanctuaire du passage, un seuil entre les mondes.
On y sent le souffle des dynasties, l’écho des prêtres, la main invisible de ceux qui bâtirent pour défier la mort.
Au sortir de la Vallée, le soleil rougeoyait déjà sur les montagnes.
Je me surpris à murmurer, comme une incantation :
» Ceux qui dorment ici ne sont pas morts,. Ils sont devenus
mémoire »
Nous terminons notre étape dans un restaurant grouillant de touristes et profitons d’un buffet devant un panorama qui montre le contraste saisissant de la verdure du Nil, de la montagne du désert et des nuages bleu du ciel illuminés par le Soleil.
Nous regagnons enfin notre appartement, au premier étage, au lm numéro 205 du Nile Panaroma Hôtel.
Madou KANE
Louxor, le 26 octobre 2025
