Par Madou Kane
Sur la route qui longe la Méditerranée, le voyage se déroule comme une respiration entre la mer et le fleuve. La lumière du Nord-Égypte, douce et dorée, éclaire la vaste plaine du Delta du Nil, cette frange large et fertile où l’eau façonne le destin des hommes depuis les premiers âges. Les dattiers, alignés tels des sentinelles de verdure, balancent leurs palmes altières au rythme du vent marin, chargés de grappes mûres et généreuses.
Ici, le Nil sort de son long cours africain. Il s’entrelace aux lacs salés, s’égare dans les canaux, se divise, se multiplie, et finit par s’abandonner à la mer dans plusieurs étreintes séculaires. Le paysage est une symphonie d’eau et de terre . Les villages surgissant entre les rizières, minarets dressés au-dessus des champs, et ce fourmillement d’hommes et de femmes qui perpétuent la vie au rythme de la moisson et du marché.
À Rosette que nous traversons avec mon cadet Alioune Sy et son ami égyptien Mahmoud, le temps semble suspendu. Cette ville paisible garde encore, dans le murmure de ses ruelles, le souvenir d’une découverte capitale : la fameuse Pierre de Rosette, clé offerte à Champollion pour percer le secret des hiéroglyphes, ces écritures sacrées attribuées à Thot, divinité de la sagesse et des connaissances. Rosette est ainsi un seuil entre le mystère et la révélation. Elle relie les civilisations antiques à leurs héritières.
Puis, la route s’ouvre vers Damiette, ville portuaire au charme discret mais vibrant. Capitale du bois et du meuble, Damiette respire le labeur artisanal. Ses ateliers résonnent du bruit des rabots et du parfum du cèdre ; les showrooms y étalent la fierté d’un savoir-faire transmis de père en fils, où l’art se mêle à l’utilité, et la beauté à la matière.
Plus à l’est, déjà se profile Port-Saïd, sentinelle du canal de Suez, porte ouverte vers le Sinaï et le Levant. Là, les vents de la Méditerranée se mêlent aux souffles venus de la mer Rouge, du Liban, de la Palestine et d’Israël, rappelant combien l’Égypte demeure un carrefour, un lien vivant entre l’Afrique et l’Orient, entre mémoire et avenir.
Ce voyage d’Alexandrie à Damiette, c’est une traversée de l’eau et de l’espace : un itinéraire où les ondes, pierres et visages portent un fragment de l’histoire du monde.
Madou KANE
Le Caire, le 21 octobre 2025