En cette période de carême et de ramadan, la gare de Colobane, à Dakar, est le théâtre d’un chaos ordinaire ce jeudi 13 mars, il est 14 heures. Sur l’asphalte, une foule compacte attend, stoïque l’arrivée d’un bus Fess Dem qui assure la liaison Dakar-Thiès. Des vieillards assis à même le sol, des femmes luttant avec leurs bagages encombrants, des jeunes, hagards, scrutant l’horizon. Tous partagent la même angoisse : le bus pour Thiès viendra-t-il ?
Les minutes s’étirent. 16 heures. Toujours rien. Le soleil décline, la patience aussi. Devant l’absence de bus, la colère gronde. Les rares employés de Dakar Dem Dikk, téléphones vissés à l’oreille, évitent les regards. « Pourquoi ce bus ne part-il pas ? » lance un voyageur excédé. Silence gêné. Un homme au chapelet enroulé autour du cou finit par lâcher : «Pas de carburant. Il doit aller se ravitailler à Ouakam. Un autre est en route. »
Murmures. Soupirs. Protestations. L’attente s’éternise.
Parmi les victimes de cette désorganisation, une étudiante en Master 1 à l’Université Iba Der Thiam, attend depuis des heures. Elle doit passer un examen crucial en audit et contrôle le lendemain. 17h36. L’appel à la prière d’Asr retentit, mais toujours pas de bus. L’étudiante partira-t-elle à temps ?
«La boîte Dakar Dem Dikk mal gérée»
La tension monte. « Ils ne respectent personne ! On nous fait attendre depuis 14 heures sans aucune information ! » fulmine un client. « Ousmane Sonko devrait savoir comment cette boîte est mal gérée ! Si c’était le vendredi, on comprendrait la forte affluence, mais là, c’est tous les jours la même pagaille ! »
18h10. Miracle : un bus surgit enfin. Mais l’indignation monte d’un cran. Avant même l’ouverture des guichets, des personnes passent par la porte de derrière pour obtenir des tickets. Magouilles et passe-droits. Une femme explose : «Si vous laissez faire, je monte de force ! »
Tensions. Mains crispées sur les sacs. Regards électriques. Une altercation éclate entre un quinquagénaire furieux et un bagagiste de DDD. Insultes, bousculades. Des passagers interviennent in extremis pour éviter l’irréparable.
Le bus démarre. Derrière lui, la file s’étire encore sur des dizaines de mètres. Il en faudrait trois, quatre peut-être, pour absorber la foule. Mais ce soir, beaucoup devront rompre le jeûne ici, sous le ciel de Colobane, victimes silencieuses d’un transport public à la dérive.