Introduction
Les inondations à Dakar sont devenues un problème majeur, récurrent et dévastateur. Leur récurrence souligne les limites des solutions d’urgence et la nécessité d’une approche durable. Dans ce sillage, le Mouvement Progrès a organisé une conférence qui a permis de croiser deux regards complémentaires : l’analyse technique et la dimension sociale. L’initiative a non seulement permis de réunir un panel diversifié et de haute qualité, entre autres, enseignants-chercheurs, ingénieurs, étudiants, fonctionnaires, journalistes et citoyens, mais elle a surtout démontré que PROGRES sait mettre en avant la rigueur scientifique et technique au service de l’intérêt général, loin des clivages partisans. Ce présent mémorandum restitue les principaux enseignements et recommandations issus des discussions.

Chapitre 1: Diagnostic général
Les inondations à Dakar résultent d’un enchevêtrement de facteurs naturels et humains. Sur le plan climatique, le retour à une pluviométrie normale après la sécheresse des années 1970, associé aux effets du changement climatique, accroît la fréquence et l’intensité des pluies. Sur le plan humain, l’urbanisation anarchique, la construction dans des zones inondables et l’imperméabilisation des sols aggravent les risques. Ces inondations affectent chaque année des centaines de milliers de personnes, provoquant des pertes économiques estimées à plus de 80 millions de dollars par an et des conséquences sociales dramatiques.
Chapitre 2 : Dimension technique
Le diagnostic technique met en évidence une série de défaillances structurelles :
- Planification urbaine insuffisante,
- Occupation anarchique des zones de drainage.
- L’imperméabilisation croissante des sols, liée à la déforestation et au bétonnage,
- Manque d’ouvrages hydrauliques de protection, et ceux qui existent souffrent d’un entretien irrégulier. conception des ouvrages d’art et de drainage dans les lotissements restent déficients,
- Les rejets directs des eaux usées et la remontée des nappes réduisent la capacité d’infiltration des sols.
Ces constats appellent à des solutions robustes et durables. Celles-ci incluent la systématisation des études d’impact environnemental, la coordination entre acteurs publics, privés et collectivités, et la réalisation d’ouvrages structurants capables d’évacuer de grands volumes d’eau. Il est également essentiel de délimiter et respecter les zones non constructibles, de réhabiliter les voies d’eau naturelles, de protéger les exutoires et de mettre en place des bases de données hydro climatiques régulièrement mises à jour. Enfin, la valorisation des eaux pluviales apparaît comme une piste innovante.
Chapitre 3 : Dimension sociale
Les inondations n’affectent pas toutes les populations de la même manière. Les quartiers périurbains et informels comme Pikine, Thiaroye, Guédiawaye, Yeumbeul Nord ou Keur Massar sont particulièrement vulnérables. Les habitants, souvent issus de couches sociales modestes, vivent dans des habitations précaires dépourvues de services de base. Les femmes et les enfants sont les plus exposés, car ils subissent à la fois la dégradation sanitaire, la perturbation de l’éducation et la surcharge des tâches domestiques.
Les impacts sociaux sont multiples. Sur le plan sanitaire, les eaux stagnantes favorisent le paludisme, les diarrhées et les maladies de peau. Sur le plan éducatif, les écoles sont souvent fermées ou inaccessibles, ce qui détériore la qualité de l’enseignement. Les habitations et les biens matériels sont régulièrement endommagés, entraînant des dépenses imprévues et une baisse des revenus. Ces situations alimentent des tensions sociales, des inégalités dans l’accès à l’aide et parfois des déplacements massifs de familles.
Face à ces difficultés, plusieurs réponses sociales se développent. Les projets comme PROGEP‑2 contribuent à renforcer les infrastructures, tandis que des initiatives communautaires comme « Vivre avec l’eau » mobilisent les habitants pour l’entretien et la sensibilisation. Des dispositifs de protection sociale adaptative émergent, permettant d’identifier et d’accompagner les ménages vulnérables. Par ailleurs, l’alerte précoce et le zonage des zones inondables constituent des outils essentiels pour renforcer la résilience.
Les comportements des populations face aux inondations traduisent un rapport complexe au risque. Certains développent des stratégies d’adaptation (surélévation des maisons, stockage en hauteur), d’autres tombent dans le déni ou la résignation. Heureusement, des dynamiques de mobilisation collective se mettent aussi en place : comités de quartier, plaidoyer auprès des autorités et entraide communautaire.
Chapitre 4 : Recommandations et perspectives
Les débats ont permis de dégager une série de recommandations, qui doivent être envisagées de façon intégrée et durable. Elles se déclinent en plusieurs axes :
- Renforcer la planification urbaine en respectant les zones non constructibles et en procédant au déguerpissement des zones à risque récurrent.
- Réaliser des ouvrages hydrauliques structurants, fonctionnant si possible en gravitaire, et assurer leur entretien régulier.
- Réhabiliter les voies d’eau naturelles, protéger les berges et exutoires, et intégrer la gestion du drainage dans les projets de lotissement et routiers.
- Développer et actualiser les bases de données hydroclimatiques et renforcer les études hydrologiques.
- Initier des programmes de valorisation des eaux pluviales, pour en faire une ressource plutôt qu’un fardeau.
Impliquer les communautés locales dans l’entretien et la gestion, en renforçant les actions de sensibilisation et de mobilisation. - Mettre en place des dispositifs de protection sociale adaptative pour accompagner les ménages vulnérables.
- Investir dans la prévision et l’alerte précoce afin de réduire les impacts des événements extrêmes.
- Favoriser la synergie entre l’État, les collectivités locales, les communautés, les partenaires techniques et le secteur privé.
Conclusion
La conférence a montré que les inondations à Dakar ne relèvent pas uniquement d’un problème technique mais aussi d’un défi social. Les solutions doivent donc être intégrées et durables, en combinant investissements en infrastructures et accompagnement des populations vulnérables. Le Mouvement Progrès appelle à une mobilisation collective et coordonnée, seule capable de garantir une meilleure résilience de Dakar face aux inondations récurrentes.