Une, pas deux, UNE raison suffit, à elle seule, pour justifier le maintien du Conseil économique, social et environnemental : dans l’architecture institutionnelle de notre république, le CESE est en effet le seul organe d’envergure nationale censé regrouper l’ensemble des forces vives, des composantes sociales et des organisations professionnelles pour réfléchir, au service du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, sur toutes les questions qui intéressent notre Nation.
Le CESE est le cadre institutionnel d’aménagement de la participation citoyenne à la construction nationale. Cette participation citoyenne est assurée par les représentants des professions commerciales, bancaires, artisanales et des transports, des professions industrielles et minières, des organismes d’économie rurale, des élus locaux, des organismes associatifs, des professions artistiques et culturelles, des professions libérales, des sénégalais de l’extérieur, des regroupements mutualistes, des organismes de microfinance, des salariés du secteur public et du secteur privé, ainsi que des personnalités choisies en raison de leur compétence en matière économique, social, scientifique ou culturelle.
Au regard de sa nature d’institution consultative chargé d’émettre des avis à la demande du Président de la République, du Gouvernement et de l’Assemblée nationale (Constitution, article 87-1), le Conseil économique, social et environnemental constitue le cadre de prédilection du dialogue national, au sein duquel les problématiques sociales, les défis culturels et les enjeux économiques qui interpellent avec acuité notre pays peuvent être sereinement étudiés.
Les arguments sur la base desquels la suppression du CESE est préconisée relèvent davantage du constat superficiel de son inefficacité que de l’analyse profonde de cette inefficacité. Le CESE souffre surtout de sa politisation, alors qu’il n’est pas, à la différence notable du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, une institution à caractère politique. Cette politisation du CESE, notamment par le biais des nominations de militants politiques n’ayant pas le niveau pour participer utilement aux réflexions sur les questions qui interpellent notre pays et ses populations, ainsi que la baisse significative du niveau de représentativité que ces nominations ont induite ont fortement contribué à donner au Conseil l’image négative d’une institution inutile qui, en plus, a le péché de peser négativement sur le budget du pays (la pertinence de cet argument ne résiste pas non plus à l’analyse). Ces faiblesses, qui peuvent aisément se corriger, ne peuvent nullement suffire à justifier la suppression du CESE.
Confirmer la suppression du Conseil économique, social et environnemental, c’est consacrer, au plan institutionnel, l’hégémonie des seules forces politiques sur la gestion des affaires publiques. Les forces politiques ne sont point les seules forces dynamiques dans notre pays.
La société civile est aussi une force dynamique, une force dynamique puissante de participation à la construction nationale. Et, par l’éventail de sa composition, le Conseil économique, social et environnemental constitue la véritable société civile de la Nation. Il ne faut pas tuer la véritable société civile ; il faut la régénérer pour lui rendre sa vitalité et sa pleine utilité. A défaut, les réseaux sociaux se substitueront de plus en plus à elle, avec une hégémonie destructrice qui n’épargnera pas l’Etat lui-même. Prenons-nous vraiment et à suffisance conscience de ce danger rampant pour notre Nation et sa cohésion ?
© Tounk.A
PS : si elle était avérée, l’intention prêtée au nouveau pouvoir exécutif de se doter, via une élection législative anticipée, d’une majorité de confort à l’Assemblée nationale pour mener les politiques publiques promises est d’une légitimité qui ne peut souffrir d’aucune contestation objective. Ce besoin de majorité législative de confort se suffit à lui-même comme argument de campagne électorale. Aussi, invoquer le prétexte artificiel de l’inutilité du CESE (qui est brandi à tort depuis une quinzaine d’années), que d’aucuns lui prêtent comme argument, relèverait de l’instrumentalisation des institutions et d’une pratique politicienne aux antipodes de l’éthique de gouvernance promise et attendue.
Dans sa maturité, le peuple électoral sénégalais a toujours été sans ambigüité dans ses choix chaque fois qu’il s’est déterminé. Quand il sera appelé à cet effet aux urnes, en toute souveraineté, en toute lucidité, en toute cohérence, il décidera librement de la répartition qu’il fera des forces à l’Assemblée nationale.