En manque de moyens, les collectivités locales sénégalaises ont noué des relations de partenariat avec des villes de l’étranger. L’exemple parfait, c’est la commune de Bokidiawé dans le département de Matam. Une commune qui a scellé un projet de coopération avec la ville d’Elbeuf en France. Une initiative «facilitée» par l’acte III de la décentralisation qui prône la communalisation intégrale.
Bokidiawé a le visage radieux d’une dame qui vient de se tirer du lit, après des nuits de noces. La commune de Bokidiawé, physique imposant avec ses 475, 7 Km2 s’est débarrassée de ses complexes et de ses excentricités qui l’ont longtemps plongé dans une attitude coincée et rêche. Aujourd’hui avec ses 66 000 habitants, la commune rurale perchée dans le département de Matam se montre aguicheuse. C’est une dame coquette qui a cultivé l’art de s’ouvrir au monde pour changer son intérieur et garnir son espace de commodités qui manquaient à son décor. Depuis, Bokidiawé a franchi les frontières, elle a réussi prendre l’avion pour poser une photo toute récente avec la commune sœur d’Elbeuf-Sur-Seine (située en Normandie en France).
Auparavant, la Commune de Bokidiawé, en collaboration avec le Département de Matam, a noué un partenariat une coopération avec le département de l’Ardèche (France) pour la mise en œuvre d’un projet de mixte énergétique pour les forages de Théhel Sébé et de Doumga Rindiao qui desservent environ 10.200 habitants et un cheptel important. L’homme par qui ce partenariat s’est noué s’appelle Aliou Ousmane Sall, il est le Maire-Adjoint de la Commune de Bokidiawé, Chargé de la Coopération et des Relations Extérieures. L’homme n’oublie rien de comment il a réussi à nouer ce partenariat qui était loin d’être gagné. Il dit : «Le Partenariat entre la commune de Elbeuf-sur seine et celle de Bokidiawé est partie de ma participation une conférence-débat à Elbeuf en octobre 2018 sur le rôle des binationaux dans le développement du Sénégal. Les échanges étaient particulièrement axés sur la problématique des investissements de la diaspora. C’est ainsi que j’ai eu des échanges avec le Maire de Elbeuf par l’intermédiaire de Fatimata Ngaindo, Présidente de l’Association Accès et Conseillère municipale, Déléguée aux relations internationales de Elbeuf. Au des échanges, nous avions pu constater beaucoup de points communs entre nos deux communes qui partagent pratiquement la même vision et les mêmes valeurs. L’autre aspect qui a surtout renforcé nos relations la forte présence des ressortissants de la commune de Bokidiawé à à Elbeuf. C’est comme ça la machine est lancée et nous avions, ensemble, identifié des axes de collaboration. C’est ainsi qu’une délégation de la commune de Elbeuf-Sur- Seine conduite par le Maire Djoudé Mérabet et quelques membres de l’Association Access a effectué une visite de travail à Bokidiawé.»

Ce partenariat entre Bokidiawé et Elbeuf (France) a été rendu possible par l’acte III de la décentralisation adopté au Sénégal depuis le 19 décembre 2013 qui prône la communalisation intégrale en transformant les communautés rurales en communes, en leur dotant d’un statut plus attractif, d’avoir beaucoup plus de flux financier, de bénéficier plus avec le partenariat public/privé, de source innovante de financement, mais surtout et surtout chaque commune peut développer sa stratégie en matière de coopération décentralisée, un levier important pour des communes pour la plupart en manque de moyens.
En tout cas, depuis la commune rurale de Bokidiawé se frotte les mains. L’adjoint au maire, Aliou Ousmane Sall se réjouit de ce partenariat nord-Sud qui a été une bouffée d’air frais pour sa contrée, qui a eu du mal à bénéficier des effets de la décentralisation, surtout que l’Etat central est à des centaines de kilomètres. «La commune de Bokidiawé, est une des communes bénéficiaires du Projet d’Amélioration de la Sécurité Alimentaire et d’Appui à la mise en Marché dans la région de Matam (ASAMM) financé par l’Agence française de développement (AFD) pour un montant 15 009 608 074 F Cfa.
Ce projet a permis la réalisation des aménagements hydro agricoles : le casier de Bossea 1 (201ha), le casier de Bossea 2 (79ha), le casier de Doumga Ouro Thierno (250 ha), le casier de Mboloyel (60ha) et le casier de Ndouloumadji dont Doumga Ouro alpha est membre (422ha)», explique d’un trait le maire adjoint de Bokidiawé.
Ils sont nombreux les pays partenaires qui mettent leurs billes pour le développement des villes de l’intérieur du pays en matière de décentralisation. C’était en 2020, le ministre de l’Economie et de la coopération Internationale Amadou Hott déclarait au cours d’une réception de la ministre belge de la Coopération au développement en charge des grandes villes, Meryame Kitir que le montant de l’Aide publique au développement reçue de la Belgique sur la période 1990-2019 s’élève à 333 millions d’euros, soit 218 milliards FCfa. Un véritable pactole. Les Belges ne comptent pas s’arrêter pas en si bon chemin, ils sont tombés d’accord avec le Sénégal sur la mise en œuvre du programme de coopération bilatérale 2019-2023. Qui porterait sur un montant de 45 millions d’euros, soit environ 29,5 milliards de FCFA, sous forme de dons, couvrant les régions du centre du Sénégal que sont Kaolack, Fatick, Kaffrine et Diourbel.
Soutenu par la Banque Mondiale, l’AFD, le Pacasen c’est 352 milliards FCfa
Il faut ajouter que la Banque Mondiale, l’Union Européenne, l’Agence française de développement et le Fonds saoudien sont des partenaires indiqués du Programme d’appui aux communes et agglomérations du Sénégal (Pacasen). C’est la raison pour laquelle, les autorités sénégalaises ont annoncé urbi et orbi portaient son budget prévisionnel à 352 milliards de francs CFA pour la période 2021-2025.
Seulement la coopération décentralisée est parfois le maillon faible. Puisque certaines régions ont eu du mal à développer des partenariats avec des régions de la métropole. C’est le cas conseil régional de Thiès qui a vu son budget passé de 1 milliard FCfa à 400 millions de FCfa, Héléne Tine, l’ancienne vice-présidente du Conseil régional de Thiés ne mâche pas ses mots par rapport aux difficultés rencontrées dans ce domaine. «C’est là le hic, parce que nous avions des relations privilégiées de partenariat avec la région de Midi-Pyérénées qui nous a soutenus pour des projets d’envergure. Que vont devenir ces programmes ? Nous avons eu un comité de pilotage de notre coopération en janvier 2014, mais il n’y a pas eu d’engagement nouveau. La préoccupation de nos partenaires, c’était de voir comment terminer les projets en cours pour se retirer. Mais c’est une perte énorme, c’est plusieurs milliards de FCfa perdus, parce que le budget de la région est minime», regrette-t-elle.
Quoi qu’il en soit, l’acte III de la décentralisation donne une véritable opportunité aux collectivités locales via des projets gouvernementaux de bénéficier de l’aide des institutions de Bretton Woods ou de sceller des partenariats gagnant-gagnant comme celui de Bokidiawé et ElBeuf, qui à terme va permettre aux populations locales de se livrer à des échanges directs sans intermédiaire. C’est tout le sens positif que renferme l’acte III de la décentralisation.
Pour l’histoire, il faut rappeler l’acte de la décentralisation de 1996, qui a suivi celle de 1972 semble avoir laissé un goût d’inachevé. Entre les complaintes des collectivités locales qui croupissaient sous le poids des compétences transférées sans les moyens et les populations marginalisées par la gestion parfois nébuleuse des autorités locales, le bilan reste à faire.
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