Par Babou Biram FAYE
Le Bureau Organisation et Méthodes (BOM) a longtemps été un levier central de l’efficacité administrative au Sénégal.
Créé en 1968, sous l’impulsion du président Léopold Sédar Senghor, il s’inspirait de l’ »Office of Management and Budget » américain, avec pour mission de structurer et d’optimiser le fonctionnement de l’administration publique.
Sous les présidences de Senghor et d’Abdou Diouf, le BOM jouait un rôle clé dans la planification, l’exécution et l’évaluation des politiques publiques. Son action garantissait une administration efficace et rigoureuse, où chaque projet était minutieusement étudié avant sa mise en œuvre.
Un déclin progressif sous Wade et Sall
L’arrivée au pouvoir d’Abdoulaye Wade en 2000 a marqué un tournant dans le rôle du BOM. En 2008, il a été transformé en Délégation à la Réforme de l’État et à l’Assistance Technique (DREAT), une restructuration perçue par de nombreux observateurs comme une dilution de son influence.
Sous Macky Sall, des tentatives de réhabilitation ont été entreprises, notamment en 2013 avec une nouvelle mission axée sur la gestion par résultats. Cependant, le BOM n’a jamais retrouvé son prestige d’antan, en raison d’un manque de statut officiel, d’un recrutement sans épreuves écrites et d’un affaiblissement progressif de son rôle stratégique.
Diomaye et Sonko : Une rupture qui intrigue
Avec l’élection du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, le Sénégal semble à la croisée des chemins en matière de gouvernance. Leur programme de rupture met l’accent sur la lutte contre la corruption et l’assainissement de l’administration.
Cependant, certains comportements de nouveaux dirigeants, notamment, sur les réseaux sociaux, suscitent des interrogations quant à l’image du Sénégal et à l’efficacité du pouvoir en place. L’art de gouverner diffère fondamentalement de celui de s’opposer, et le passage de l’un à l’autre impose rigueur, responsabilité et hauteur de vue.
Une gouvernance qui manque de méthode et d’élégance
Il est impératif que les nouvelles élites politiques prennent conscience que la gouvernance repose sur la tenue et la retenue, l’élégance, la diplomatie et l’excellence administrative. La disparition progressive des structures comme le BOM a affaibli la rigueur organisationnelle de l’État, laissant place à une gestion parfois improvisée et désordonnée.
Le Sénégal dispose pourtant des ressources humaines et intellectuelles nécessaires pour réhabiliter une administration efficace, basée sur la compétence et la transparence.
L’heure n’est plus à l’autosatisfaction, mais à une gouvernance pragmatique, à l’écoute du peuple et résolument tournée vers l’efficacité et la maîtrise communicationnelle.
La parole gouvernementale devient préoccupante
Le Sénégal a récemment été le théâtre de plusieurs polémiques impliquant des membres du gouvernement et des personnalités influentes. Leurs déclarations publiques, souvent maladroites, ont suscité des controverses, mettant en lumière un manque flagrant de maîtrise communicationnelle.
À l’ère des réseaux sociaux, où chaque parole peut être amplifiée et déformée, l’absence de retenue et de responsabilité dans la communication gouvernementale peut fragiliser l’image de l’État et attiser des tensions inutiles.
Cheikh Oumar Diagne : entre polémique et radicalisme
L’intellectuel musulman Cheikh Oumar Diagne, ex-directeur des moyens généraux de la Présidence, a récemment créé la polémique en critiquant des figures spirituelles majeures telles que Cheikh Amadou Bamba, Cheikh Ibrahima Niass et El Hadji Malick Sy.
Ses déclarations ont provoqué l’indignation des communautés soufies, notamment chez les Mourides et les Tidjanes, qui y ont vu une attaque contre leurs références religieuses. Accusé de promouvoir des idées salafistes, Diagne a pourtant défendu son droit au débat intellectuel.
Déjà arrêté en 2024 lors de manifestations contre l’ancien régime, il continue de polariser l’opinion avec des propositions controversées, comme la création de tribunaux religieux au Sénégal, alimentant ainsi un climat de suspicion et de division.
Moustapha Njekk Sarre : Des déclarations inquiétantes sur un décès
Le porte-parole du gouvernement, Moustapha Njekk Sarre, a récemment fait des révélations troublantes sur la mort de l’ancien ministre des Finances, Mamadou Moustapha Ba.
Lors d’une intervention publique, il a affirmé que l’ex-ministre avait été « tué dans des conditions troubles », appelant à une enquête approfondie. Ces propos ont immédiatement suscité une vive polémique, certains les jugeant irresponsables et alarmistes.
Face aux critiques, Sarre a tenté de nuancer son propos, expliquant qu’il ne faisait qu’exprimer une interrogation citoyenne. Cependant, le mal était fait : sa déclaration a alimenté les spéculations et contribué à une perte de crédibilité du gouvernement.
La Communication gouvernementale à l’épreuve de la responsabilité
Ces incidents mettent en lumière les défis majeurs de la communication publique au Sénégal. Dans un monde où chaque mot peut avoir des conséquences diplomatiques, économiques et sociales, il est impératif que les responsables politiques adoptent une posture plus réfléchie et mesurée.
Les récents dérapages impliquant Cheikh Oumar Diagne, Moustapha Njekk Sarre et d’autres figures du nouveau régime illustrent un problème de maîtrise du discours et de sens des responsabilités.
En effet, il est urgent que les actuels dirigeants prennent conscience que l’image d’un État se façonne par la justesse des paroles et la rigueur des actes.
La communication ne doit pas être un terrain d’improvisation, mais, un outil stratégique au service de la gouvernance et de l’unité nationale.
Gouverner avec méthode et rigueur
L’administration sénégalaise doit renouer avec l’organisation et la méthode, des valeurs qui ont longtemps fait sa force. Le renforcement d’institutions comme le BOM est essentiel pour garantir une gestion efficace et éviter les dérives du pouvoir.
La communication gouvernementale doit, quant à elle, être fondée sur la responsabilité et la retenue, afin de préserver la stabilité nationale et de renforcer la confiance des citoyens envers leurs dirigeants.
Le Sénégal a besoin d’un leadership humble, compétent et pragmatique, à la hauteur des défis contemporains. Gouverner, ce n’est pas s’affirmer par des paroles creuses, mais, agir avec intelligence et discernement pour le bien du pays.
Autrement dit: « il faut remuer la langue sept fois avant de parler ».
Babou Biram FAYE