Sidi Ould Tah élu à la tête de la présidence de la Banque africaine de Développement (Bad). Une prouesse diplomatique mauritanienne face à un échec « gros calibre » d’une diplomatie sénégalaise articulée autour d’une « vision géostratégique » ne dépassant pas les limites de l’Alliance des États du Sahel (Aes). Ne soyons surpris d’une déclaration du genre : « Ce n’est pas notre échec, c’est le candidat du régime sortant ». Comme les inondations de l’année dernière.
Amadou Hott a certes le profil de l’emploi, mais sa candidature était plombée dès le départ par la conférence de presse du 26 septembre 2024 du gouvernement actuel, annonçant de présumées « manipulations » sur la dette et certains chiffres des finances publiques. Point de départ d’un naufrage économique, financier et diplomatique. La « démarche de transparence », mise en avant dans cette « communication gouvernementale », dans l’intention de séduire l’opinion publique nationale et internationale, a produit, éventuellement, des effets contraires à l’objectif initial. Amadou Hott vient d’en faire fraîchement les frais. Son statut d’ancien vice-président de la Bad a sauvé les meubles avec ce score honorable, le classant troisième, pour un candidat qui n’a pas bénéficié d’un soutien total, engagé et actif des actuelles autorités sénégalaises.
L’autre fait ayant joué un mauvais tour à la candidature de Hott, c’est la prétendue « réorientation diplomatique » sénégalaise dans la sous-région ouest-africaine, marquée par un soutien affiché et assumé à des régimes antidémocratiques (Mali, Niger, Burkina), en marge des positions officielles de la Cedeao. Parallèlement, on constate le soutien d’autres pays de la Cedeao, notamment la Côte d’Ivoire (influent actionnaire de la Bad), au candidat de la Mauritanie. Et pourtant ce pays voisin du Sénégal a quitté l’organisation communautaire depuis 2000, pour faire focus sur l’Union Maghreb arabe (Uma). Aujourd’hui, un accord d’association, scellé en 2017, le lie avec la Cedeao.
Sénégal – Mauritanie, de singuliers pays voisins
Les relations entre la Mauritanie et le Sénégal n’ont jamais été simples. Dans le passé, la Mauritanie s’était impliquée négativement dans la crise en Casamance avec un soutien au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc). Histoire de prendre sa revanche après les événements tragiques de 1989 à la frontière entre les deux pays.
Aujourd’hui, les deux pays mènent une « idylle » relativement satisfaisante en raison de l’exploitation du gaz offshore. Dans le cadre de cette coopération, « Talatay Nder » a failli raviver les flammes de la tension lors de la dénomination des navires de soutien du site de Grande Tortue Ahmeyim (Gta). Un nom qui rappelle les razzias des troupes maures dans le Walo à l’origine de la tragédie des femmes de Nder. Un nom qui n’a pas plu à la Mauritanie. C’était en août 2024. Depuis cette « offense », la Mauritanie talonne le Sénégal pour un feuilleton diplomatique sur la scène internationale. Une attitude singulière pour des pays voisins. Après le premier épisode de mars dernier sur l’élection au Conseil de la Fifa (Augustin Senghor/Ahmed Yaya), ce 29 mai, nous avons droit au deuxième épisode (Amadou Hott/Sidi Ould Tah). Il y aura certainement une suite avec un air de déjà-vu surtout face au coma prolongé de la diplomatie sénégalaise.
Papa Moctar SELANE