L’ouvrage de Mahammed Boun Adallah Dionne se lit d’un trait. Pour l’occasion, trêve de palabres sur les réseaux sociaux, j’ai dû sauter des matchs de Premier League le samedi (21 oct) pour prendre le temps de goûter aux coups de boutoir intellectuels de l’ancien Premier ministre. Ça m’a pris une journée. Dionne ne manque pas de bagout. Le livre est plein d’informations. C’est un livre généreux comme le personnage, méthodique et sérieux jusqu’au sinistre. Un ouvrage à garder comme un document de recherches, avis aux étudiants (rats de bibliothèque) Sauf que, j’ai été déçu.
Ce sermon de Mahammed m’a laissé sur ma faim. Je m’attendais à me gaver de succulents secrets sur sa vie, de goûter aux délices de son passage dans les plus grandes sphères étatiques, de croquer à pleines dents des «biscuits», anecdotes croustillantes sur des affaires de l’Etat… Rien. J’ai fini par avoir un gros creux.
Je m’attendais à une solution pour sauver le Sénégal du marasme endurant, dans lequel le pays s’est embourbé depuis un bon bout de temps. Mais Mahammed comptable de ce bilan «Sall» n’a pas voulu s’avancer sur le sujet. Par pudeur peut-être, par respect aussi pour les Sénégalais qui à tort ou à raison estiment que sa loyauté à l’endroit du chef de l’Etat Macky Sall n’a jamais fait défaut.

Par contre dans ce livre, Mahammed a voulu juste brandir la vocation africaine de son projet qui dépasse le Sénégal. Ambition légitime. Mais à l’heure des idées pour re-bâtir un pays, lui Dionne a sa vision pour donner corps à une candidature Présidentielle. Plutôt, Dionne ancien cadre émérite (ingénieur, économiste), ancien Premier ministre montre qu’il est une tête d’œuf capable de «flotter comme un papillon, piquer comme une abeille et rugir comme un Lion et d’un bond s’élançait vers les péripéties d’une échéance électorale cruciale», Mahammed dans son livre s’avance dans un ésotérisme de bon aloi pour chanter les recettes d’un développement de l’Afrique.
Le début de l’ouvrage campe d’ailleurs le décor avec ce débat à Accra le 30 octobre 2012 entre deux ténors de la Présidentielle ghanéenne John Mahama et Nana Akufo-Addo. Une lumière jaillit de ce débat, puisque Dionne avoue qu’il a pris des aliments, et autres victuailles pour concocter des recettes pouvant aider à faire avancer le Schmilblick sénégalais. Bref !
L’auteur dans son ouvrage déconstruit les thèses impérialistes qui maintiennent l’Afrique dans l’asservissement et la dépendance aux puissances occidentales.
«Il est aujourd’hui urgent de lui [L’Afrique] redonner la place et la valeur qu’elle mérite fort de ses 1,3 milliard d’habitants et couvrant 20 % des surfaces émergées, ce continent à la croissance exponentielle s’affirme désormais», développe à force d’un bataillon d’arguments Mahammed Boun Abdallah Dionne.
Puis le livre bascule dans des idéologies d’économistes, de savants athéniens, de Marx, Rudyard Kipling, Keynes…tout y passe. Dans la conscience des mots qui défilent en parcourant le livre, c’est comme si on se sent poursuivi par un Lion, quand on finit de le semer dans les rues escarpées de notre mémoire tenu, voilà que l’abeille apparaît flottant comme un papillon avec ses gros yeux dans la pénombre de l’incompréhension pour tenter de piquer notre perception des choses… Maigre consolation, le papillon est en lévitation, tout comme Mahammed, l’auteur si pressé d’étaler ses connaissances sur l’Afrique Mère qu’il en oublie presque qu’il est au candidat au Sénégal. Ce livre ressemble à ne pas s’y tromper à l’ouvrage de Me Abdoulaye Wade, un Destin pour l’Afrique sans l’hymne africain qui va avec.
Dans le livre de Mahammed, le panafricanisme, cet objet politique encore mal identifié y occupe une place de choix. L’auteur Dionne s’est attaché à retracer certains débats économiques, liés à l’ «infrastructure», des débats quant à la définition d’une identité africaine «culturelle», des débats, enfin, quant à la gouvernance des métaphores, notamment la relation entre le Lion et la gouvernance de l’Etat qui évoque l’autorité et la détermination du gouvernement à mener des politiques publiques vertueuses et porteuses de bien-être pour tous, dans un cadre de gouvernance équilibrée et de sécurité.
Le mérite de ce livre, c’est d’enfoncer des portes ouvertes sur les courants de pensée en cours dans le monde et des intellectuels africains Cheikh Anta Diop (un titre lui est accordé l’Afrique selon Cheikh Anta Diop), Léopold Sédar Senghor, Joseph Ki Zerbo cités par l’auteur n’ont pas raté le rendez-vous du donner et du recevoir dans ce grand concert d’idées pour le développement de l’Afrique organisé par Dionne dans son livre.
Ce sermon de Mahammed est un plaidoyer pour réhabiliter la conscience historique africaine, Dionne le dit de façon péremptoire dans son livre estimant que l’Afrique est le véritable fondateur de l’Histoire avec un grand H s’il vous plait. J’ai bien aimé le clin d’œil à Caty au début du livre et à la dernière phrase de l’ouvrage : «Je remercie enfin mon épouse Caty qui m’a tant soutenu pour aller au bout de cette réflexion.» A l’heure de la Présidentielle Caty devra enfin sortir de son cocon pour aider son homme à aimanter la voix des Sénégalais.
Ps : Merci à Grand Diokhané de m’avoir permis de dévorer sans m’arrêter les 151 pages de l’ouvrage : Le Lion, le papillon et l’abeille de Mahammed Boun Abdallah Dionne.
Mor Talla GAYE