Le défunt Thione Seck, l’activiste Guy Marius Sagna, l’opposant Ousmane Sonko, qu’il a placé sous contrôle judiciaire, dans l’affaire des viols présumés sur Adji Sarr, il a placé sous mandat de dépôt Khalifa Sall…le Doyen des juges Samba Sall a vu passer dans son bureau du beau linge et des noms ronflants. Hier, c’est lui qui a été convoqué par le juge suprême.
Le cœur de la justice a cessé de battre, le Doyen des juges Samba Sall est mort. La vie n’est que vanité, l’on ne s’habitude jamais à ce destin cruel qui n’épargnera personne. C’est au tour de Samba Sall, le Doyen des juges. Demain à qui le tour ? C’est la loi implacable de la vie, de la mort. Au palais de justice, certains vont sortir les mouchoirs aujourd’hui pour pleurer le frère, l’ami, le collègue, l’homme tout court. Car au-delà des titres, c’est désormais l’homme que la postérité va accompagner à sa dernière demeure. Déjà, les témoignages affluent. «Il était un juge extrêmement courtois», pleure l’avocat Moussa Sarr. Récemment, il a accompagné son client l’activiste Guy Marius Sagna dans ce bureau tant redouté du Doyen des juges. Si les murs de ce bureau pouvaient parler, il a vu défiler bandits à cols blancs, politiques rattrapés au collet par des pots-de-vin, brigands, agresseurs, activistes déchainés…A contrario de ces vedettes et autres personnalités qui s’affichaient à la Une des journaux. On ne connait de Samba Sall qu’une seule photo. C’est celle où il est habillé en boubou traditionnel blanc, le sourire en coin. Bien sûr, le crédit photo dans ces cas reste à déterminer. L’on ne sait même pas à quand remonte la prise. Sur le cliché. Tout ramène au juge crayonné par ses proches comme quelqu’un «d’un commerce agréable ».
Guy Marius Sagna : «Le juge Samba Sall m’appelait mon neveu»

De loin, Samba Sall a incarné la froideur de la Justice. Son côté glauque. De l’Egypte où il se trouve, le journaliste Adama Gaye s’est fendu d’un texte pour ramer à contre-courant des « amis » du juge. «Signe venu du ciel, un autre. Décès du Doyen des Juges, Samba Sall, celui qui m’avait délivré un mandat de dépôt illégal. « On applique la loi », m’avait-il dit, froidement. Puis, quand je l’avais confondu devant mes avocats, le laissant sans arguments, il s’était entêté à me maintenir arbitrairement en prison. J’avais simplement remis mon sort entre les mains du Seigneur.Signe subliminal qu’Il envoie. Comme pour dire que le seul Juge, c’est LUI. On dirait, en effet, que Dieu est…dangereux. IL arbitre à sa manière. Que dire du défunt? Je me tais. Je dis seulement: Allah Akbar.» L’Ex-détenu qui se dit illégalement condamné par la justice du Sénégal signe l’épitaphe comme pour régler ses comptes. Le téméraire Guy Marius Sagna s’est adouci quand il a appris la nouvelle. Pourtant le juge Samba Sall lui a décerné le mandat de dépôt à trois reprises. L’activiste dépouillé de tout esprit de vengeance ou de haine se fend d’une grandeur. «Le juge Samba Sall m’appelait mon neveu, je n’ai jamais eu de haine pour lui. Jamais ! Mais j’avais de fortes divergences avec lui. Je ne suis ni content ni rancunier ni soulagé par son rappel à Dieu», écrit l’activiste.
Et puis, dans ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Sonko-Adji Sarr, c’est lui le Doyen des Juges qui avait hérité du dossier, après le désistement du juge du 8ème cabinet. Le magistrat instructeur avait cependant notifié le mandat de comparution à Ousmane Sonko. L’on se rappelle, lors de sa dernière conférence de presse, le leader de Pastef avait eu des mots très durs à l’endroit du Doyen des juges Samba Sall, du Procureur Serigne Bassirou Guèye et du juge du 8e cabinet Mamadou Seck, qu’il qualifiait de «barbouzes de la justice» ou de «triangle de Bermudes judiciaire» de «ceux qui acceptent d’exécuter tous les coups foireux» du Président Sall. Un véritable uppercut de l’opposant administré à la crédibilité de ces magistrats. Que la chronique locale ne juge que sur les dossiers jugés sexy ou qui font les choux gras de la presse. Très réducteur de ramener la carrière du Doyen des juges à ça.
«Il est de la même promotion que Serigne Bassirou Guèye»
Samba Sall a réussi avec brio le très sélect concours de la Magistrature pour intégrer le Centre de Formation judiciaire en 1997. Au Cfj, il passe inaperçu, se tue à la tâche pour expédier 18 mois de théorie et de pratique. Il fait partie de la promotion 98 en compagnie de Serigne Bassirou Guèye, Procureur de la République qui occupe le devant de la scène médiatique, ce «l’ion indomptable» est son copain de cordée. Tiens tiens ! Certaines mauvaises langues habituées du prétoire susurrent en silence que c’est lui qui lui file les dossiers dont il veut avoir un regard intéressé. Mais ce n’est pas connaître Samba Sall que de le ravaler à un rôle de «nègre de service».

Il a toujours choisi le plus difficile, la route de l’effort qui fait les forts. Puisqu’il pouvait se contenter de porter la robe d’avocat et d’amasser des honoraires pour se payer une retraite dorée. Mais c’est mal connaitre l’homme Samba Sall aurait pu être certes du barreau. Mais, il n’aime pas faire du surplace, alors il a visé plus gratiné, plus grand, les avocats trouveront à redire mais il n y a pas photo entre les deux rôles. Au bout du compte, il est devenu magistrat. Fourrer son nez pour avoir des infos sur ces «décideurs» d’un autre monde, c’est aller à la ramasse, car l’on obtient que des bribes d’échos sur Samba Sall, le juge du 2ème cabinet du Tribunal de Dakar, devenu le très redouté Doyen des juges. Le nom ne vous dit rien ? Eh bein ! C’est ce juge qui avait scellé le sort du défunt chanteur-compositeur Thione Seck et lui a délivré le billet de la première date de sa tournée dans la très peuplée prison de Rebeuss. Il l’a fait sans hésiter, s’asseyant sur ses états d’âme. On ne sait pas s’il est féru de la musique de Ballago, s’il lui arrive chez lui de se lâcher ou de décompresser en écoutant du Mbalakh bercer ses nuits apaisantes ou stressantes et ses samedi de détente. Dans les couloirs du palais de Justice, l’on est moins sûr que ce juge d’instruction du 2éme cabinet qui passait pour un iconoclaste, un homme vintage et distant des choses de son époque soit amateur de bringue et de Mbalax endiablé ou adoucissant.
«Il n’aimait pas le m’as-tu-vu»
Au tribunal, de Dakar certains pouffent des rires étouffés, quand il voit débouler ce juge débraillé qu’on pourrait assimiler à ces ploucs qui remplissent les couloirs du Palais de justice de Dakar. L’on raconte que lors du face-à-face avec le défunt l’artiste Thione Seck, il portait un boubou traditionnel quelconque et se foutait que le pli du pantalon qu’il avait plissé jusqu’au mollet n’était pas bien ramené à sa place. Au tribunal, tout le monde vous dira, Samba Sall n’est pas du genre à soigner sa mise. Lui est un théoricien du droit et cela lui suffit entièrement. Le droit, c’est sa vie, il vit comme une règle de droit, avec comme principe essentiel, le singulier n’est pas une illusion. Cela suffit pour asseoir une personnalité. Un homme tout court.
L’homme fait de son mieux pour ne pas ternir sa réputation. L’épate, l’esbroufe, le m’as-tu-vu, il abhorre. Il est tombé dans la magistrature comme un joueur de football tombe sur le banc de touche d’un club de football.
Après des études passées à la Faculté de droit où on le caricaturait comme un rat de bibliothèque. L’on raconte qu’il se faisait un malin plaisir à empiler dans son cartable d’étudiant les ouvrages Dalloz et des grands maîtres. Il n’éprouve aucune peine à ensuite tenter le barreau. Il le réussit et fait son stage au cabinet du défunt avocat à la cour Me Moustapha Diop. Après deux ans à écumer les prétoires, le jeune Sall se sent à l’étroit dans sa robe d’avocat. Il ne se voit pas dans ce boulot «noble» mais plein de tentations puériles et de deal foireux à l’abri des regards. Il décide alors de surprendre son monde en démissionnant sans fracas pour tenter la magistrature qui cadre plus à sa personnalité de juriste de dossiers, d’homme de droit. Droit dans ses bottes. La suite, on la connait. Il a ensuite fait quelques piges dans certains tribunaux correctionnels, avant de décrocher ce poste de juge du 2ème cabinet qui, au soir d’un mandat de dépôt décerné à un célèbre chanteur lui dira d’un ton de prêcheur évangélique de ne se focaliser que sur l’essentiel et de s’armer de courage. Dans les livres d’histoire du Sénégal, cette décision de déferrement va rester dans les annales. Mais que sait-on de ce juriste, de cet homme tout court ? Ses proches disent de lui qu’en bon Saloum-Saloum, c’est un vanneur impénitent. Un homme qui se cache pour mieux vivre heureux. «Depuis que je le connais, je ne l’ai jamais vu courir les mondanités, les costumes cravates faire l’intéressant ce n’est son genre, lui s’il a un bon Sabador il peut s’en contenter entièrement», témoigne un habitué du palais de justice. Ce n’est pas alors surprenant qu’il est le seul juge à se promener avec une mise dépenaillée les heures de pause dans le hall du Palais de justice, avec sandales s’il vous plait. De plus, il a le visage cajolé par un teint clair-obscur, un physique rondouillard de jeune premier, il n’a pas un côté inquiétant, mais un brin pétillant, rassurant, du charisme un tantinet excessif. Heureusement, même les hommes lisses ont une histoire, avec des zones d’ombre et des questions sans réponse. Le défunt Thione Seck lui a dit qu’il a été placé sous mandat de dépôt par Dieu…Mais il a dû oublier que c’est Samba Sall qui a signé son déferrement et envoyé à Rebeuss. Ironie du sort, les deux protagonistes sont morts à quelques semaines d’intervalle. Aujourd’hui, c’est Samba Sall qui est convoqué par le «Doyen » des juges suprême, l’Unique maître du Palais de Justice. Tout un enseignement pour des «hommes doués de raison»
Kinkelibaa.info #Mor Talla GAYE#