Par Babou Biram Faye
Il y a, dans la trajectoire politique du Sénégal, un principe invisible, mais, tenace, qui finit toujours par faire son œuvre : le retour des choses. Certains appellent cela l’ironie de l’histoire. D’autres, avec une conscience plus profonde, parlent de karma. « Lou yagg ci kaw, wadd ci suuf », dit-on.
Rien n’échappe au jugement du temps.
Le pouvoir n’est jamais éternel
Il fut un temps où le président Abdoulaye Wade, fort de son pouvoir et de son verbe, pensait pouvoir désigner un successeur sans subir le poids du mécontentement populaire. Il fut balayé, au terme d’un combat démocratique acharné, par un jeune homme qu’il avait pourtant porté à la tête du gouvernement : Macky Sall.
Puis vint le tour de Macky. Fort de ses institutions remodelées, de ses leviers de pouvoir et d’un parti tentaculaire, il crut, lui aussi, pouvoir façonner l’avenir politique à sa guise. Mais voici que le peuple, dans un élan imprévisible, a préféré un duo inattendu : Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, enfants du rejet et symboles d’un karma républicain.
Ce que vous faites au peuple, le peuple vous le fait un jour
Les emprisonnements arbitraires, les manipulations judiciaires, les arrestations préventives, les lois taillées sur mesure… tout cela laisse des traces. Et même quand l’instant présent semble dompté, la mémoire collective, elle, travaille en silence. Elle note, elle enregistre, elle attend. Ce que les uns ont fait subir à l’opposition d’hier, ils le vivront souvent sous d’autres formes, dans l’opposition d’aujourd’hui ou de demain.
Le karma n’est pas une vengeance : c’est une leçon. Une invitation à plus d’humilité, à plus de justice, à plus de prévoyance.
Politiques sénégalais, regardez derrière vous
Ceux qui s’agitent aujourd’hui sur les plateaux télé, qui brûlent leurs anciens discours, qui renient leurs engagements d’hier pour se repositionner demain, devraient savoir une chose : le peuple voit. Il observe, il note, et il vote.
Les jeunes ne lisent peut-être pas toujours les journaux, mais ils lisent la réalité. Ils savent qui a trahi, qui a résisté, qui a triché, et qui a payé.
Une nouvelle culture politique est possible
Il est temps d’insuffler à notre vie politique la sagesse du karma : Gouverner avec justesse, car demain on sera jugé.
Écouter l’opposition, car demain on peut en faire partie.
Respecter les citoyens, car ce sont eux qui feront ou déferont votre destin.
Le Sénégal mérite des dirigeants qui ne gouvernent pas dans l’orgueil, mais dans la conscience du retour des choses. Le pouvoir est un prêt, jamais une propriété.
Le karma n’est pas une malédiction. C’est un rappel constant que chaque choix politique engage l’avenir. Ceux qui veulent durer doivent semer la paix, la vérité et la justice.
Ce pays ne manque ni de ressources, ni de talents, ni de forces vives. Il manque surtout de leaders qui comprennent que le vrai pouvoir est dans l’exemple, et que le véritable héritage, ce n’est pas une statue dans une ville, mais une mémoire respectueuse dans le cœur du peuple.
À méditer.
BBF