Vélingara est en larmes. Onze enfants, onze élèves y ont perdu la vie, emportés brutalement dans un accident de la route, alors qu’ils ne demandaient rien d’autre que de rentrer chez eux. La nouvelle a glacé le sang de ceux qui l’ont reçue. Elle aurait dû suspendre le pays tout entier. Mais pendant que l’arrière-pays pleure, la capitale est à la fête. À Dakar Arena, dans une ambiance électrique, le Premier ministre Ousmane Sonko est ovationné. La fête bat son plein, comme si rien ne s’était passé. Pas de silence, pas de pause, pas même un mot fort. Juste l’oubli immédiat.
Il n’y a pas de hiérarchie dans le drame. Il ne devrait pas y en avoir. Pourtant, à entendre le silence assourdissant autour de cette tragédie, on en vient à douter. Parce que c’est Vélingara, parce que c’est loin, parce que ce ne sont que «des enfants»…Un communiqué laconique du ministère de l’Education Nationale, des condoléances lointaines. Puis on passe à autre chose.
Mais peut-on vraiment tourner la page ? Onze enfants. Onze élèves. Onze vies fauchées. Onze futurs envolés. Ce n’est pas un fait divers. C’est un drame national. Et c’est surtout un test moral : que faisons-nous quand une part de notre peuple souffre dans l’indifférence générale ? Ce silence collectif, ce refus d’interrompre la fête, en dit long sur notre rapport à la vie humaine. Sur notre seuil de tolérance à l’inacceptable. Sur ce que nous acceptons de banaliser.
La véritable rupture, celle que le changement politique doit incarner, ce n’est pas le flonflon des rassemblements comme ceux de Dakar Arena. C’est d’oser la dignité. C’est de reconnaître qu’aucune réussite, aucune once de popularité n’a de valeur si, en face, on n’est pas capable de compatir, de réagir, d’agir pour que cela ne se reproduise plus.
Monsieur le Premier ministre Ousmane Sonko devrait prendre sur lui de trouver prétexte d’annuler cette sortie programmée à Dakar Arena, et dire : «Aujourd’hui, nous pleurons ensemble.» Cela élèverait sa fonction, son aura et c’est faire comprendre par l’exemple que chaque vie compte. Même celle d’un enfant de la lointaine localité de Vélingara.
À leurs familles, toutes nos condoléances. À leurs âmes, notre mémoire. Et à la République, cette exigence : ne jamais s’habituer à la mort, surtout quand elle aurait pu être évitée. MTG