C’est une confidence d’un homme. D’un grand frère Edmond Koto qui pleure toujours son petit frère Joseph Koto alias Boud’Chou parti sur la pointe des pieds un 14 octobre de l’année dernière de triste mémoire. Un an déjà comme une éternité. Un temps long comme la vacuité du destin qui prend le temps de s’arrêter chez la famille Koto pour mesurer l’énormité de l’absence de « Boud’Chou ». Son grand frère Edmond étreint par l’émotion lâche ses mots à lui: « C’est très difficile. Un an après nous avons encore du mal à faire face à la cruelle nouvelle de la mort de Boud’Chou. Nous le pleurons toujours. C’était quelqu’un de respectueux, de généreux. Il a tant fait pour sa famille. On continue de prier pour lui pour que son âme repose en paix », explique Edmond son grand frère. Tout est dit.
Joseph Koto est parti un 14 octobre à 61 ans d’un malaise qui a enveloppé de tristesse le Sénégal du foot.
Parler de Koto, c’est évoquer ce joueur qui avait un short lui tombant sur les mollets, coach, son survêt déborde ses bras et recouvre ses petits doigts. On ne se refait pas et le Koto des années 2000, naguère sélectionneur heureux de l’équipe nationale des lionceaux de – 20 ans prend tout le monde de vitesse, s’amuse de lui-même et de sa bouille de retrécisseur de réflexe. Mais, ce fils de la «Vieille dame», supporte moins les jeux de mots et encore davantage le débat sur les compétences locales en matière de coaching. Il a son tempérament à lui, sorte de crise gelée en temps de grisaille. Et ce feeling du râblé, sans quoi les filles partent en courant.
Joseph Koto est un moderne dans un corps à l’ancienne. Un tendre qu’on a envie de cajoler négligemment parce que môme, sa maman casamançaise aimait l’apostropher, sans chichis, par le doux sobriquet de «boud’chou». Et puis, le surnom est resté.
Et puis, «boud’chou» a poussé plus vite que Joseph Koto, mais le Koto de la Nouvelle Zélande a tout révolutionné sur son passage. Lui Koto peut se targuer d’avoir le meilleur palmarès du football national en gagnant deux tournois de l’Uemoa en 2009 et 2010. Alors désormais c’est un technicien à la science publique, en voie de rassembler les déçus du football local. Ahmadou Diop «boy bandit» refait l’image de son ancien coéquipier devenu désormais monstre sacré du coaching : «C’est un grand ronfleur dans son sommeil avec une nature toujours heureuse dans la vie. Un gagneur aussi qui n’aime même pas perdre à la belote.» Longtemps Koto a été un missionnaire du football d’en bas pour avoir été à la tête de la sélection locale en 2009. A l’époque, l’on rêvait que le local fasse presque la nique au football d’en haut. Koto n’a pas pour Mourinho, Ancelotti, ou Marcelo Lippi. «J’ai des références locales comme Laye Sow, mon ancien coach à la Ja, qui a beaucoup apporté au coach que je suis devenu. Avec mes joueurs, je suis plus papa-poule que père fouettard. Pour obtenir des résultats, j’instaure le dialogue et je cajole plus que je ne cogne», prêchait-il. On peut le croire facilement. Au soir de l’élimination, il a cajolé comme un papa ses fils déçus. Mais qui est cet homme au nom à la consonance étrangère devenu désormais le seul prophète du banc de touche sénégalais par le poids de son Cv…
Pourtant la sentence est tombée. Et les dieux du foot ont sorti un décret divin. Le voici : «Ouvrez les portes de l’Histoire et laissez entrer Joseph Koto.» Exit les grosses gueules du foot local ! Excusez du peu. Tant, le coach des Lionceaux de -20ans éliminés en demi-finale de la Coupe du monde par le Brésil a laissé à jamais son empreinte en lettres d’or dans les annales de l’Histoire du football sénégalais. Depuis l’homme est en lévitation, il ne touche plus terre. Sa prouesse est chantée partout. Koto est le seul coach du pays à hisser le drapeau national à un tel sommet…où ne scintillent que des étoiles «L’on y va pour apprendre», conseillait prudent l’ancien ministre des Sports Matar Bâ avant d’embarquer dans l’avion pour la Nouvelle Zélande. Koto a fait plus qu’apprendre. Ses «Koto-boys» ont fait pleurer l’Ukraine, douché les espoirs Ouzbeks. Puis, ils se, sont inclinés au pied de la montagne Brésilienne en demi-finale. Qui dit mieux ? Le Sénégal est désormais parmi le cercle restreint des cinq nations (Maroc, Nigéria, Ghana, Mali) à atteindre les demi-finales de Coupe du Monde. Aujourd’hui devant ces minots en culottes courtes, les Lions de 2002 passent pour des ringards. Cela vous bodybuilde le Cv d’un coach longtemps poids plume. Puisque pendant longtemps la science de Koto a laissé perplexe la chronique locale. On l’a longtemps décrié à tort ou à raison, il en a souffert, mais n’a rien dit. On lui a longtemps fait porter la caricature du paria, de l’homme qui câble de son banc de touche le «marabout» du coin pour lui demander les clefs mystiques d’un match indécis. Défense de rire. On ne lui a rien offert le Koto. Mais le coach Koto a tout arraché. Le destin jaloux nous l’a arraché et le Sénégal pleure encore son fils. A l’image de son grand frère Edmond.
MTG