Nous avons suivi avec regret la sortie du Premier ministre Ousmane Sonko, lors de laquelle, il n’a pas manqué de tenir des propos désobligeants à l’encontre du Président de la République Bassirou Diomaye Faye et d’autres acteurs de la démocratie sénégalaise dont certains médias ciblés et des acteurs politiques.
En clôturant publiquement la réunion du bureau politique national du PASTEF, le premier ministre a tenu des propos injurieux, excessifs et offensants contre « certains membres de la société civile ».
Il a également évoqué en récusant le rôle important de la « société civile » dans l’action publique la remise en cause de la légitimité des représentants de la « société civile » dans le processus de la gouvernance des politiques publiques et de leur caractère extraverti lié aux sources étrangères de financement.
Même si cette sortie peut être située dans un contexte politicien ,révélant une crise interne au parti PASTEF et un malaise personnel de Monsieur Ousmane Sonko, il faut relever sa méprise irrévérencieuse à l’endroit de citoyens sénégalais et d’acteurs déterminants de la marche de notre pays.
« Société civile », de quoi parle-t-on ?
Le premier ministre nous a habitué à se tromper,se dédire ou ne pas être souvent précis dans ses propos. Alors que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » disait Albert Camus.
En osant injurier « certains membres de la société civile » , mais de qui parle-t-il? De quoi parle-t-il ?
Ce qu’on appelle « société civile » au Sénégal est une abstraction et une perception imprécise et protéiforme d’acteurs et d’organisations qui ne renvoient pas à une réalité juridique. La société civile n’existe pas dans la constitution du Sénégal, Du préambule à l’article 103 de la loi fondamentale, le terme n’y figure pas. Même si le concept est différemment défini selon les auteurs ( De Hegel à Sémou Pathé Gueye), la « société civile » renvoie effectivement à une réalité politique et socio-économique en gestation au Sénégal depuis les années 70, avec des évolutions marquées par l’évolution des idées et les événements politiques et économiques majeurs au niveau global et du contexte sénégalais.
Elle évolue donc à la jonction de dynamiques locales propres et de dynamiques extérieures dans une perspective proche du tiers-secteur, entre l’Etat et le secteur privé. Le concept a aussi sa charge idéologique libérale à partir des années 80 avec l’avènement des politiques d’ajustement structurel et du New public Managment qui stipule « le moins d’état, mieux d’Etat ».
Dans le cadre d’un rapport annuel initié par un programme de renforcement des capacités de la société civile (PASC), il est répertorié près de 700 ONGs et plus de 32 000 associations au Sénégal qui interviennent sur presque tous les secteurs sociaux et économiques et contribuent à hauteur de dizaines de milliards de francs CFA, créent des emplois, transforment des réalités, appuient le développement de collectivités territoriales et impulsent l’essentiel des réformes progressistes et consolidantes adoptées par l’Etat du Sénégal. Ces organisations, surtout en ces périodes de restriction budgétaire permettent à plusieurs administrations de réaliser leurs activités, y compris les plus stratégiques. Elle fournissent de l’expertise gratuite à l’Etat et appuient financièrement l’organisation de réunions importantes pour différents ministères. Leur contribution à la qualité et à la performance des politiques publiques est indéniable pour ne pas dire décisive au grand bonheur de notre vitalité démocratique.
La question du financement des organisations de la société civile est aussi un débat déjà posé par elles-mêmes, en considération des enjeux stratégiques et de la perspective de souveraineté. Un débat qui précède l’avènement de PASTEF au pouvoir. En effet, la provenance extérieure de l’essentiel du financement des ONG et certaines associations constitue une limite à la maîtrise de l’initiative politique, notamment les risques d’alignement à des agendas exogènes.Il faut cependant noter que ce sont les mêmes partenaires extérieurs qui financent aussi le gouvernement du Sénégal à travers sa politique de coopération soit en appui budgétaire ou en programmes. À cet effet l’essentiel des dépenses sociales (Éducation -Santé -Protection sociale) proviennent de financements de partenaires extérieurs. Sur cet aspect, je suis d’accord avec Monsieur le premier ministre qu’il est important de revoir la question de l’origine dés financements des ONG et associations, non pas pour étreindre leur action, mais pour mieux renforcer leur impact dans le prolongement du service public, à travers le développement de mécanismes de financement endogène par le contribuable sénégalais et la philanthropie nationale. Un débat à mener de manière démocratique et non par une loi celerate et unilatérale.
Monsieur le Premier ministre, quelques heures avant votre malheureuse intervention, j’avais publié un texte à la limite prémonitoire intitulé : « c’est quoi le projet ? Monsieur le premier ministre ». Vous avez explicitement répondu à la question: je perçois votre projet d’un parti-Etat qui impose une pensée unique à tous les sénégalais, et réduit tous ceux qui assument leur différence et liberté à la misère, à hauteur de leur outrecuidance. Mais je l’ai déjà dit , tel ne peut être le projet du Sénégal et nous resterons toujours debout pour le défendre, comme nous l’avons assidûment fait avant l’arrivée de votre parti au pouvoir.
Vous l’avez dit: « Dieu sait pourquoi vous n’êtes pas le Président de la République du Sénégal… ».Allah est Le Seul Maître du jeu et de nos courts destins sur terre. Il donne le pouvoir à qui IL veut et Il l’arrache de qui Il veut…
Allah aime-t-il le Sénégal? Certains le disent car Il a toujours préservé le Sénégal du pire. Et nous savons qu’Allah est Beau et IL aime ce qui est beau. Dès lors, agissons en toute beauté !
Pour le Sénégal, toujours…
Elimane H KANE