Que donneront les analyses des échantillons prélevés sur la planète rouge ? Qu’ils montrent que Mars n’a jamais développé la vie serait un résultat en soi. S’ils révélaient des traces de vie, notre vision de l’univers changerait.
Nous vivons une époque formidable ! A la suite de l’arrivée des sondes «Hope» et «Tianwen», huit véhicules sont aujourd’hui en orbite et opérationnels autour de Mars, du jamais-vu. A la surface de la planète rouge, «Curiosity» et «Insight» sont toujours affairés, peut-être même impatients d’accueillir deux nouveaux rovers, «Perseverance» le 18 février et celui de «Tianwen» en avril prochain.
Quelle Armada ! Toutes les grandes puissances spatiales veulent en être : les Etats-Unis d’abord, puis l’Europe, la Russie, l’Inde, et maintenant la Chine. Les Japonais peaufinent leur propre mission pour 2024. Ces nations qui ensemble lancent plus de 100 fusées chaque année se donnent rendez-vous sur Mars. Les Emirats arabes unis, prescripteurs du projet Hope, font figure d’exception (dans le détail, on découvre qu’ils ont construit leur satellite dans le Colorado et ils ont confié son lancement aux Japonais), mais l’effort reste louable.
Mars fait consensus. Trophée de suprématie nationale pour les politiques, champ d’expérimentations technologiques pour les industriels, source d’émerveillement pour les peuples qui suivent avec une étonnante ferveur l’aventure des robots, la planète rouge représente la plus belle quête pour les scientifiques qui, eux, cherchent méthodiquement si les Martiens existent ! Pas d’angélisme pour autant, la compétition entre nations fait rage, les financements sont toujours difficiles à trouver, et la peur de l’échec dans l’esprit de chacun.
Naissance de la vie sur Terre
Revenons à la science de Mars. Tous les projets ne furent pas nécessairement coordonnés, mais trois phases se dégagent très clairement : la recherche d’eau liquide, la caractérisation de l’habitabilité passée de Mars et la recherche de traces de vie. Les deux premières étapes sont acquises : il y avait bien de l’eau liquide il y a plus de 3.5 milliards d’années et les conditions physico-chimiques locales rendaient Mars habitable. Bien sûr il nous faut encore préciser la quantité d’eau qui était présente, la durée de cette période d’habitabilité, et surtout les mécanismes précis qui la firent sortir de cette zone de confort. Dans les grandes lignes, la petite taille de Mars a dû jouer contre elle : très vite son cœur s’est refroidi, son champ magnétique a disparu et le vent du Soleil a balayé presque toute son atmosphère. La planète devenait aride et froide, un désert minéral à perte de vue tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Rappelons qu’à l’époque où Mars avait de l’eau liquide, la Terre lui ressemblait. Plus grosse, un peu plus près du Soleil, son destin fut heureusement bien différent ! Mais de cette chance – qui nous engendra – naît une difficulté pour les scientifiques : la Terre a une très mauvaise mémoire, l’érosion du vent, de l’eau, la tectonique des plaques ont tout effacé… Il ne reste presque rien de ce premier milliard d’années qui vit apparaître la vie. Ainsi le «pitch scientifique» de l’exploration de la planète rouge prend encore plus d’envergure : étudier sur Mars l’histoire oubliée de la naissance de la vie sur Terre.