Né le 22 septembre 1959, le Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne, dégage de prime abord le physique d’un jeune Premier ministre avec des lunettes d’intello et une mise toujours impeccable. Ce dandy discret donne aussi l’air d’un homme pressé.
Que nenni! Ameth, comme l’appellent ses intimes, est plutôt dépeint par la majeure partie de ses amis et proches parents sous les traits d’un homme pondéré, calme, humble, effacé, mais rigoureux et très à cheval sur les principes qui fondent la vie en société et en milieu professionnel.
Bertrand Le drappier, haut cadre de l’administration française, était son condisciple au début des années 80, à l’école nationale d’informatique pour l’industrie et l’entreprise (Enssie), 1 rue de la Résistance, à Evry, en banlieue parisienne. Pour le natif de Nogent sur Marne, Mahammed Dionne était « un excellent condisciple, très gentil, sérieux et assez discret ».
Et notre interlocuteur révéle : « Je l’ai récemment vu à Paris avec un ami commun, un autre ancien de l’Enssie. Il avait pris de l’assurance et avait déjà le style ministre. Il n’a guère changé. Il a toujours une physionomie bien sympathique et ça me fait drôle qu’il en soit arrivé là ». Le témoignage de cet ancien pensionnaire de l’Enssie de Paris en dit long sur la force de caractère du nouveau Premier ministre du Sénégal.
Adepte des méthodes managériales modernes.
Bon sang ne saurait mentir, l’homme a hérité cette rigueur dont on parle tant de son père, Ibra Dionne, un commissaire de police, brutalement arraché à l’affection des siens, il y’a une vingtaine d’années, suite à un violent accident de la circulation. Dionne père était réputé pour sa rigueur légendaire et tenait strictement à assurer à sa famille une éducation exemplaire.
Témoignage d’un conseiller spécial du chef de l’Etat qui a bourlingué avec le chef du gouvernement entre le ministère de l’Intérieur, la Primature et l’Assemblée nationale : « Dionne est un ami du Président qui a une très forte personnalité. Il sait se montrer diplomate, conciliateur mais c’est un homme de décision qui sait affirmer son leadership au moment opportun ».
Aux premières heures de sa nomination, le Premier ministre a déclamé tel un leitmotiv son maître-mot : « Au travail ». Avec lui, les laxistes n’ont qu’à bien se tenir. Les ministres et hauts cadres de l’administration sont donc avertis. Si l’on en croit le journaliste Johnson Mbengue, un confrère qui l’a longtemps pratiqué, l’homme est à la limite un perfectionniste, très porté sur des instruments de mesure de la performance des agents de l’administration.
En clair, il travaille sur la base de contrats de performance et promeut cette méthode de management moderne qu’est la gestion axée sur les résultats (Gar). Le pays en aura bien besoin dans un contexte marqué par l’immense espoir que continue de susciter le fameux Plan Sénégal émergent (Pse), cher au président Macky Sall.
Passionné d’industrie et très méthodique
Plusieurs sources nichées au Palais présidentiel ont affirmé que l’un de ses meilleurs amis et frères, c’est Mamadou Diagna Ndiaye, ministre-conseiller spécial du chef de l’Etat, chargé des investissements. Joint avec beaucoup de difficultés à Paris où il se trouve actuellement aux côtés du président Macky Sall, M. Ndiaye a avancé d’emblée que Mahammed Dionne est un homme préparé pour ce poste prestigieux au vu de sa compétence, de son endurance au travail, de sa générosité et de son humilité.
«Je pense qu’il ne changera pas à l’exercice du pouvoir. Mieux, il va se révéler aux Sénégalais », prédit notre interlocuteur. La mission de M. Dionne est complexe mais l’avantage du nouveau Premier ministre, renchérit M. Diagna Ndiaye, c’est qu’au-delà de son humilité légendaire, il est très méthodique et assez méticuleux sur les bords.
Le ministre-conseiller spécial qui s’adonne rarement à cet exercice, croit savoir que l’articulation verticale qui se dessine entre le nouveau Premier ministre, le ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Bâ et Makhtar Cissé du cabinet du président Sall, peut valablement contribuer à l’accélération des réformes en cours et faire sortir de terre, de manière sectorielle, bon nombre de projets du Pse.
Au grand bonheur de nombre de nos compatriotes qui sont encore restés sur leur faim. Pour atteindre de tels objectifs, le pays aura bien besoin de cette « personnalité très ancrée dans la réalité sociale » comme l’a si bien décrit le secrétaire permanent de la stratégie de croissance accélérée (Sca), Ibrahima Wade, qui connaît bien l’homme pour avoir partagé avec lui le compagnonnage avec le président Macky Sall, alors Premier ministre.
Pour le patron de la Sca, le chef du gouvernement est d’un commerce agréable, très disponible et à l’écoute de son prochain. Des valeurs qui sont, à ces yeux, importantes dans la mission à lui confiée, surtout pour l’animation de l’équipe gouvernementale. « Sur le plan professionnel, je le connais comme un très grand technocrate, très volontaire et expéditif dans le travail mais surtout méticuleux.
Sa capacité à traiter les dossiers et à les faire avancer devrait être d’un apport inestimable pour la réalisation des ambitions du Pse », a analysé M Wade. Mahammed Dionne n’est point un professionnel de la politique même s’il continue de la taquiner à travers son militantisme à l’Apr, le parti présidentiel.
C’est surtout un technocrate, un féru d’industrie. Le secteur secondaire, c’est son dada. Il a, à ce titre, capitalisé une solide expérience entre la Bceao, la conférence des Nations- Unies pour le commerce et le déve- loppement (Cnuced) et l’Organisation des Nations-Unies pour le dévelop- pement industriel (Onudi). Non sans rechigner à apporter son expertise à son pays, à la tête de la direction de l’industrie, où il s’est battu corps et âme pour la production de richesses et la création de valeur ajoutée.
Un bourreau du travail susceptible de céder à des coups de colère
Un journaliste chevronné qui l’a vu piloter cette direction stratégique raconte qu’en 2005, il s’est beaucoup investi pour le sauvetage des Industries chimiques du Sénégal (Ics)) en contribuant, par la même occasion, à l’installation de la cellule de restructuration des entreprises publiques et parapubliques en difficulté.
L’un des traits de caractère qui est revenu le plus dans le discours des amis et parents du nouveau chef du gouvernement, c’est bien son ardeur au travail.
L’homme serait, en effet, un bourreau du travail, quelqu’un de très spécial pour reprendre l’expression de Djibril Signaté, un agent retraité de la Rts, ami de longue date de l’intéressé.
Un avis du reste corroboré par Adama Guèye, une cousine du nouveau Premier ministre et amie intime de son épouse, Cathy Sarré. « Ameth est un bourreau du travail, affectueux, pieux, fidèle en amitié et serviable. Tenez, il a commencé à éplucher les dossiers de la République dès qu’il a fini la cérémonie de passation de service avec son prédécesseur. C’est un homme de défis et de résultats », conclut-elle.
Pour autant, le nouveau Premier ministre du Sénégal, n’est pas un saint. Il a quelque part un ou des pêchés mi- gnons pour ne pas dire des défauts. « C’est quelqu’un qui n’aime pas trop la pression et il lui arrive de s’énerver sans grands dommages », si l’on en croit la confidence d’un de ses proches. En tous les cas, des témoignages concordants informent que les lenteurs dans le traitement des dossiers sont de nature à le mettre hors de lui. Un de ses proches collaborateurs corse l’addition en sou- tenant qu’il abhorre l’hypocrisie et la fainéantise. Cela peut, en effet, susciter des coups de colère homériques de sa part.
En réalité, tout n’est pas lisse dans ce concert d’approbations. La perfection n’étant pas de ce monde, il se trouve des voix discordantes qui sont sceptiques quant aux réelles capacités du nouveau chef du gouvernement à piloter le navire national, sous la supervision du Chef de l’Etat. Mamadou Diouf, professeur à Columbia University (Etats-Unis), est de ceux là. Cet observateur averti de la scène politique est dubitatif pour le moins.
Il a estimé qu’on ne peut pas déplacer le débat du terrain technique au domaine politique. En se demandant si le Premier ministre pourra maîtriser le champ politique tout en répondant à la demande sociale.
Aura -t-il les coudées franches, s’est-il en outre inquiété. En dernière instance, Mahammed Dionne est très proche de sa famille mais aussi très attaché à son épouse qui n’est autre que la fille de l’éminent ambassadeur Massamba Sarré, naguère patron des représentations diplomatiques du Sénégal à Paris et au siège des Nations-Unies, à New-York.
Neveu de l’ex ministre des8 Affaires étrangères sous Senghor, Doudou Thiam et gendre de l’ambassadeur Massamba Sarré, l’homme a assurément de qui tenir et des atouts non négligeables pour réussir ce job ô combien ingrat et précaire de Premier ministre. Les Sénégalais le jugeront sûrement au résultat.
Mamadou Lamine Diatta
Parution 15 juillet 2014
Quotidien national Le Soleil
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