Cayar pleure Lamine Niang, décédé en mer lors de rixes entre pêcheurs de Cayar et Mboro. La grande famille de pêcheurs de cette localité du département de Thiès est plus que meurtrie, puisque son corps était encore «introuvable» mercredi. Le danger est encore latent et les deux communautés de pêcheurs se regardent en chiens de faïence.
Déjà18 jeunes de Cayar sont en garde à vue, suite aux rixes avec les pêcheurs de Mboro et de Guet-Ndar. «7 blessés sont dans un état grave. Les 5 sont en réanimation et les 2 autres sont aux urgences», explique Momar Talla Niang, porte-parole de Cayar.
Ce conflit entre pêcheurs d’une même communauté cache en toile de fond la rareté de la ressource maritime considérée comme un don de Dieu inépuisable. Dans un documentaire intitulé : la razzia de l’Atlantique ; Public Senat révèle le Sénégal s’est retrouvé dépossédé de sa plus grande richesse ? Cet instructif documentaire tente d’y répondre en donnant la parole à des experts et surtout aux pêcheurs, très remontés contre le pillage de leur trésor halieutique. Au début des années 1980, un accord de pêche – opaque et confidentiel – est signé entre l’Union européenne et le Sénégal, dont les eaux sont les plus productives au monde. Le début du pillage commence.
L’équilibre social d’une nation entière est fragilisé
Les Sénégalais ont vu arriver des navires-usines raclant tout sur leur passage, détruisant la faune et la flore sous-marines. « Ils peuvent pêcher plus de 6 000 tonnes par jour, ce que nous, nous pêchons en un an ! », s’indigne Karim Sall, leader syndical. En 2012, le nouveau président Macky Sall dénonce cet accord et promet de lutter contre les navires étrangers. En vain : ces derniers trouvent une parade administrative pour se « sénégaliser » afin d’être enregistrés sous pavillon local. Mais le tournant fatidique est l’arrivée des chalutiers chinois, qui surexploitent sans vergogne les eaux sénégalaises. Ainsi privées de matière première, les femmes, qui transformaient et séchaient le poisson sur les marchés, ont perdu leur travail, de quoi fragiliser l’équilibre social d’une nation entière.
Le comble, c’est que les farines issues de la surpêche ne sont pas destinées à nourrir les Européens ou les Asiatiques mais leurs animaux d’élevage. L’équivalent de la nourriture annuelle de 30 millions de personnes d’Afrique de l’Ouest est ainsi consommé par des saumons, poulets et porcs des pays les plus riches. Fatalement, la situation pousse les jeunes à l’exil. « Ce n’est pas seulement les poissons qui disparaissent, mais aussi une partie des Sénégalais », regrette Karim Sall. Depuis les années 70, les eaux de l’Afrique de l’Ouest sont sources de concurrence accrue des chalutiers étrangers. Face à l’effondrement de la ressource en poisson, certains Sénégalais se battent et n’acceptent pas cette situation.
Avec Le Nouvel Obs