C’est une militante des premières heures de Pastef qui pose des questionnements légitimes sur les dirigeants. Ça donne un texte d’une grande lucidité
« Je n’apporte plus de soutien public au parti PASTEF depuis un certain moment.
Beaucoup l’ont déjà remarqué. Je pense devoir m’exprimer aussi sur les raisons de ce retrait comme j’ai eu à le faire lorsque je m’engageais, par soucis d’honnêteté intellectuelle et de transparence.
Lorsqu’en 2018, je rejoignais les rangs du parti, mes motivations étaient claires: nous partageons les mêmes convictions, les mêmes valeurs, la même vision. Ma loyauté n’était donc pas à l’homme fort du parti ou au parti lui-même comme je l’ai répété à plusieurs reprises publiquement. Elle était envers mes principes. C’est eux qui guident mes choix. Durant les quelques occasions que j’ai eu de m’entretenir avec PROS, j’ai toujours cru important de le lui dire.
Un fossé a commencé à se creuser entre les hommes du PASTEF et moi, petit à petit. Je dis les hommes du PASTEF car dans la théorie, je suis toujours en alignement avec le concept et le projet du parti. Mes réserves proviennent de certains de ses leaders, des façons de gérer certaines situations etc., bref dans la pratique, d’un côté. J’aime les croire toujours animé d’une bonne intention, d’une envie de bien faire, c’est sans doute pour cela que je n’ai toujours pas signé mon divorce politique.
Toutefois, je sens beaucoup trop d’arrogance, d’autosuffisance, d’allergie à la critique et puis, de changements de cap. Je pense que PASTEF s’est laissé attiré dans la boue. On est trop dans la répartie, qui vole de plus en plus bas d’ailleurs à mon avis. Je crois qu’un dirigeant, ce n’est pas juste un programme. La personnalité et le comportement sont cruciaux. « Le pouvoir et l’argent ça rend fou. » chantait le Daara J Family. Il faut être quelqu’un avec beaucoup d’humilité, la tête sur les épaules et les pieds bien sur terre pour ne pas se laisser emporter.
J’ai pris du recul pour bien analyser les choses. Quel genre de leaders nous aurons demain à la tête du pays lorsque le PASTEF prendra le pouvoir? Aujourd’hui, étant dans l’opposition, la seule arme face à la contradiction et aux idées différentes, c’est la plume ou la parole ou des manifestations publiques sans doute. Demain, au sommet de l’Etat, les moyens seront plus nombreux et plus destructeurs s’il n’y a pas le code moral et l’ouverture qu’il faut. Que feront-ils à la place de Macky Sall face à la divergence, à l’opposition? Je réalise que le comportement de beaucoup de leaders déteint aussi sur les militants qui en font des modèles. La violence verbale est normalisée. Ils le nieront. Je faisais pareil quand j’étais en total immersion! C’est le recul qui m’a permis de voir beaucoup de choses. Ce n’est pas ce que je voulais! Ce n’était pas ça mon rêve avec PASTEF.
Je ne désavoue pas encore ce parti à qui j’ai donné tant d’amour. J’AIME PASTEF. Aaahh, je l’aime tellement mon premier amour politique. Je lui souhaite le meilleur. Je désire ardemment le voir réussir là où l’on a échoué politiquement depuis 1960. Cependant, la crainte me gagne alors j’observe pour y voir plus clair. Ça a toujours été net pour moi: Ousmane Sonko, encore moins ceux autour de lui, ne sont ni des messies, ni des idoles, ni des prophètes. Ils sont humains et peuvent se tromper. J’ai donc toujours protégé ce droit de critiquer, d’être en désaccord; je considère cela crucial pour aider le parti. Avoir un entourage et des « followers » qui disent oui à tout a perdu beaucoup beaucoup de leaders. On ne leur dit pas la vérité et ils n’ont pas vu la chute venir!
Je le fais d’abord pour moi. Après tout, je me retrouve toujours seule avec ma conscience le soir. Depuis 2018, mes proches me le concéderont: je me suis engagée comme je le pouvais, j’ai converti beaucoup autour de moi à cette cause parce que j’étais certaine que c’était ce qu’il y avait à faire. Aujourd’hui, je le suis moins… Macky Sall en 2012 n’avait rien du « monstre » qu’il est aujourd’hui. Je ne veux pas à l’avenir porter la responsabilité d’avoir, moi aussi, aidé à porter un tyran au pouvoir.
Je n’affirme rien. Ce que je dis, c’est « Attention! ». J’espère qu’ils feront cette introspection même
s’ils pensent avoir gagné suffisamment en influence et que plus rien ne peut les arrêter. L’humilité précède la gloire dit-on. J’y crois!
Je veux voir PASTEF construire ce genre de militants, ce nouveau type de sénégalais qui privilégie le dialogue de qualité et qui même dans l’adversité, sait fait preuve d’éthique, sans tourner le dos aux valeurs de la démocratie. Cela commence bien évidemment par ceux là même qui portent le projet! »