Son tic révèle son attitude. Sa détresse cachée derrière ce petit rictus qu’elle lâche. Son tic à elle pue la gêne. Quand elle parle du sujet lié à l’absence d’enfant dans sa vie de couple, elle baisse ses yeux. Son visage se raidit, le ton de sa voix pâlit. Ce jour-là, haut vert, pantalon collant marron, la nymphe, trentaine endossée, teint caramel, beauté assumée, travaille dans une agence de Com de ce quartier chic de Sacré Cœur. Dans son bureau sobre, elle referme la porte de la plus délicate des manières, puis raconte sa vie de femme sans enfant. Elle a du mal à se lancer. Alors, on s’élance…, M.D est mariée depuis huit hivernages. Un mariage tout miel tout sucre avec un mari qui l’aime à la folie. Une situation financière des plus aisées, puisque l’époux a un rang social fort enviable. L’obligeant à voyager de temps en temps à l’étranger. Un couple qui vit une vraie romance, un rare conte de fées. Mais dans ce paradis de rêve du couple, il manque un bébé, un enfant. Comme qui dirait un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Tout dans les mots de M.D inspire la crainte de Dieu, une foi chevillée au corps. Mais son cœur se trouble parfois, sa curiosité martyrisée quand elle aperçoit une femme enceinte dans la rue. «Comme je suis de nature curieuse, il m’arrive souvent quand je vois une femme enceinte, de m’imaginer ce qu’elle vit en ce moment-là. Je suis tracassée et la curiosité ajoute à mon tracas, car je n’ai pas encore vécu la grossesse. Je me demande comment elle vit le poids de l’enfant qu’elle porte.» Ce sont les rares moments où sa carapace se craquelle. Les rares fois où elle cède à la tristesse d’un destin qui ne lui fait pas encore ce cadeau tant désiré. Sa chance à elle, c’est que son mari ne l’accable pas pour autant. Il lui arrive parfois de flancher. Surtout lorsque, accompagnée de son mari, elle se rend chez un gynécologue et que celui-ci leur donne des traitements parfois coûteux et éprouvants. Ils s’y mettent tous les deux, mais au bout d’un certain temps, les règles reviennent. «Ces temps-là, je suis vraiment découragée et je n’ai qu’une seule envie, pleurer toutes les larmes de mon corps.» Souvent, c’est son époux qui vole à sa rescousse et qui la rassure, la calme jusqu’à ce qu’elle retrouve tous ses esprits. C’est de loin et de portée lointaine qu’elle entend les vociférations de sa belle-famille sans y attacher trop d’importance.
La vie de A.F était un volcan au repos. Depuis quelque temps, le volcan est en fusion. Ses laves sont brûlantes et sa bave amère. L’éruption s’est produite un soir de juillet. Ce jour-là, A.F s’est réveillée comme de coutume avec sa douceur de vivre, son sourire jovial. Mais dans cette maison où elle est entrée depuis 5 ans, où elle a vécu sans tracas majeur, le bonheur de son couple sera ébranlé par une nouvelle qui va défier toutes ses certitudes. Regard voluptueux, physique généreux de «Drianké» qui raconte sa vie ce jour-là dans un salon de coiffure de sa copine où elle a donné rendez-vous, elle s’est parée comme une vierge effarouchée prête à sauter sur sa proie. «J’ai été simplement trahie. 5 ans durant, j’ai avalé tous les quolibets de ma belle-famille sur le fait que je n’ai pu tomber enceinte. Au lieu de m’en parler, il est allé prendre une seconde épouse. Depuis, ma vie dans cette maison est un enfer», dit-elle. Pis, l’essai de la nouvelle épouse a été un coup de maître, car elle a mis à profit sa lune de miel pour frapper un grand coup. Elle est tombée enceinte, puis s’en est suivi un baptême grandiose en son honneur.
«J’ai failli me suicider»
Pendant ce temps-là, A.F, la première qui n’a pas connu les joies de l’enfantement, a le moral au plus bas. Les allusions malfaisantes de sa belle-famille, les moqueries déstabilisatrices qui hantent son sommeil des mois après les faits. Les yeux embués de larmes. «J’ai failli me suicider si je n’avais pas le soutien de ma famille. Certains sont allés jusqu’à me dire que j’étais la poisse personnifiée car je n’arrivais pas à apporter de la joie dans cette famille, qui rêvait d’avoir un petit-fils ou une petite-fille à cajoler. Heureusement que mon mari a continué à me couver d’amour, sinon j’aurais quitté depuis. J’aime mon mari d’un amour fou, si j’avais la possibilité d’avoir un enfant, par force je l’aurais fait, malheureusement c’est Dieu qui donne», martèle-t-elle, le ton haut, déçue par le comportement de sa belle-famille. Elle revient à la vie petit à petit, donnant le meilleur d’elle-même pour tenir de sa main ferme sa cantine de cosmétiques dans un marché de la banlieue. Aujourd’hui, son boulot cristallise toute sa passion. Elle n’a d’yeux que pour ses produits à écouler. Elle a fini d’oublier sa sécheresse maternelle. Pourtant, que n’a-t-elle fait pour avoir un bébé ? Quels efforts n’a t-elle pas consentis pour vivre un jour les joies d’une grossesse ?
Un bébé à tout prix ! Tel semble être le maître mot de beaucoup de femmes. Dans leur quête de grossesse, le couple infertile, notamment les épouses, toquent à toutes les portes. «J’ai été voir dans les régions les plus reculées du Sénégal pour consulter des marabouts et à chaque fois, la conclusion c’est qu’ils me demandaient de garder espoir. Me donnant parfois de l’eau bénite et des potions à prendre, mais là jusqu’à présent, je n’ai pas eu de satisfaction. J’ai également fait des analyses auprès de gynécologues de la place. Mais je ne désespère pas», souffle M.D dans son bureau cossu.
Dans ce salon de coiffure de sa copine où A.F se pose pour raconter sa vie de couple, tiraillé par le besoin de donner une ombre à son bien aimé. Elle raconte sans détours, les multiples péripéties pour trouver le salut de sa vie. Un jour de clair de lune, un marabout connu dans une ville religieuse avait troqué son turban de guide religieux avec celui de devin. «Je n’oublierai jamais ce jour où ma mère et moi nous nous sommes rendus dans une capitale religieuse. Nous avons longuement attendu chez lui et ce jour-là, nous avons été reçues vers les coups de minuit, alors que nous avons attendu toute la journée, le marabout m’a promis que j’aurai des jumeaux. Et il m’avait indiqué quelques recommandations à faire en vue de faciliter la venue au monde de mes jumeaux. J’ai quitté son domicile toute enthousiaste. Je croyais si fortement en ces prédictions, mais au bout du compte, j’ai fini par désespérer de tout.»
«J’ai dépensé plus de 3 millions de FCfa en traitements»
Dans cet appartement à Hann Maristes où le jeune couple a fait son nid d’amour, D.F, la quarantaine, tige noire, physique de basketteur, cadre en banque, S.T, teint caramel, attitude méfiante sur son visage, ingénieur des travaux publics, vivent le parfait amour. Cela dure depuis sept ans. Lune de miel au Maroc, lune de fiel arrosé d’un liquide nommé doute un an et demi plus tard. Le couple se retrouve avec des questions sans réponse. C’est la femme qui prend son courage à deux mains et va voir une clinique de la place pour identifier où ça clochait, faire son diagnostic tout simplement. «J’étais saisie de questionnements, j’étais mariée et au bout d’un an et demi, je continuais à avoir des règles, je pensais qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Alors, j’ai été voir un gynécologue et j’ai réussi à faire des batteries de mesures, mais au bout du compte, on n’a découvert rien d’anormal chez moi», explique S.T, au moment où son mari, boit son café et choisit d’intervenir et de couper court. «Cela me saoule parfois d’aller à l’hôpital et d’être obligé de me masturber pour avoir du sperme à montrer au personnel médical. Et parfois les gens à la blouse blanche ne savent pas comment s’y prendre en de pareils cas», regrette-t-il d’un ton suffisant. S.T se recale vite dans le gros canapé, pour éviter de s’emporter. C’est vrai que la seule fois que D.F est partie à l’hôpital, c’est quand son épouse S.T a insisté auprès de lui pour lui présenter son gynécologue traitant. L’homme de l’Art, qui avait le même âge que lui, avait réussi à lui faire faire des analyses auprès d’un urologue et il a ensuite commencé à faire des traitements, puis a décidé de tout arrêter. Aujourd’hui, le couple est sans enfant. Et cela commence à durer. Le couple vit la situation sans pression particulière. Parfois quand les belles-familles du côté de l’homme, comme chez la femme, s’en mêlent, les remarques sont parfois violentes, blessantes. Mais c’est comme si dans son cocon de Hann Maristes, le couple se prémunit par rapport à tous ces bruits extérieurs en se blindant dans leur appartement comme un bunker. «Un jour lors d’un baptême de la fille du petit frère de D.F., J’ai entendu toutes sortes d’allusions mal placées provenant des sœurs de mon mari, mais j’ai fait comme si je n’avais rien entendu. D’ailleurs nous avons vite fait de rentrer plutôt que prévu ce jour-là», susurre la dame, qui a fêté ses 31 ans. Aujourd’hui malgré les vociférations des proches, qui jugent le temps long et éprouvant, D.F et S.T font leur vie sans tambours ni trompettes. Ils sont dans leur bulle, tout simplement.
Pendant ce temps-là, M.D, qui travaille dans une agence de communication, fait l’inventaire des efforts financiers qu’il a consentis, elle relativise, commence par dire que la joie d’enfanter vaut toute la fortune du monde. Mais consent à lâcher un chiffre comme une résonnance d’une époque qu’elle cherche à rattraper dans sa vie de femme. «Ce que j’ai dépensé auprès des gynécologues si je l’avais gardé pour moi, aurait pu me permettre de construire ma maison à moi, j’ai dépensé plus de 3 millions FCfa tout au long de toutes ces années», ressasse-t-elle de ses souvenirs les plus enfouis.
La lueur d’espoir pour des milliers de couples qui attendent en vain le cri d’un enfant pour retrouver un semblant de vigueur, de quiétude dans leur vie à deux. C’est la solution de la Fécondation in vitro qui s’est installée de plus en plus dans certaines cliniques spécialisées dans la prise en charge de la mère et de l’enfant, avec des résultats probants… «J’ai orienté beaucoup de mes patients auprès d’un de mes collègues qui pratique la fécondation in vitro, mais certains couples ont pu avoir même des jumeaux et des triplés…», assure Abdoulaye Diop, médecin obstétricien de la clinique Nest (nid). Le rêve est permis.
* Les noms ont été changés
MOR TALLA GAYE
ABDOULAYE DIOP, GYNECOLOGUE- OBSTETRICIEN
«Les femmes subissent une injustice sociale liée à l’infertilité»
Quand est-ce qu’on parle d’infertilité dans un couple ?
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on parle d’infertilité lorsqu’un couple reste 10 mois, voire 12, en ayant des rapports sexuels réguliers (3 par semaine) et il n’y a pas de grossesse, sans méthode contraceptive. L’infertilité dans un contexte africain et sénégalais en particulier, est un drame. Parce que pour une femme africaine, ne pas avoir d’enfants, c’est quelque chose de très dommage. Et le problème, c’est que habituellement, le taux de natalité dans notre pays est très fort, il n’y a pratiquement aucun programme gouvernemental qui s’occupe de femmes ou des couples infertiles. Et c’est vraiment un gros problème. En fait, quand il y a infertilité, on parle du couple, parce que le problème peut venir de la femme comme de l’homme. Dans 33% le problème peut venir de la femme en moyenne, dans 33 % le problème peut venir des hommes et dans 33% le problème peut venir des deux en même temps. On peut avoir une infertilité masculine, une infertilité féminine ou mixte.
Quelles sont les causes d’infertilité chez la femme et chez l’homme ?
La principale cause d’infertilité chez la femme, c’est l’infection génitale. La deuxième cause, ce sont les troubles du cycle, si la personne n’a pas un cycle régulier, parce qu’elle a une kyste de l’ovaire, une dystrophie ovarienne etc. Quelle que soit la cause de l’irrégularité du cycle, cela peut être une source d’infertilité, la troisième cause, ce sont certaines maladies générales telles que le diabète, la drépanocytose, l’hypothyroïdie, l’hyperthyroïdie et toute maladie qui entrainent une fièvre. Ça peut être à l’origine de l’infertilité. Enfin, il y a les anomalies du système génital (malformations utérines, fibromes..) ce sont des choses qui peuvent empêcher la survenue d’une grossesse. Et parfois, comme on l’a dit, on ne trouve pas de cause. Chez les hommes, ce sont nos amis urologues qui seraient plus à même de nous dire. Mais grosso modo, ce qu’on peut dire, c’est que la première cause d’infertilité, ce sont aussi les infections. Deuxièmement, ce sont les anomalies du sperme qui peuvent être de plusieurs types. Il y a les anomalies qualitatives et quantitatives. Notamment les Oligo-Asthéno-Tératospermie (qu’il n’y ait pas assez de spermatozoïdes, ou qu’ils soient fatigués ou mal formés).
Quand vous êtes en face de ces cas-là, quels sont les conseils que vous prodiguez aux couples ?
Une consultation d’infertilité, ça se fait à deux normalement. Ce sont les deux qui doivent venir. Habituellement, c’est la femme qui fait le premier pas. Et quand elle vient seule, on lui conseille au prochain rendez-vous, d’être accompagnée par son mari. On fait l’interrogatoire, on l’examine, on fait une petite échographie, on a une petite idée du problème. Comment le régler ? Ensuite, on demande un bilan infectieux, hormonal, on demande également un bilan chez l’homme. Au terme de tout cela, si c’est une cause qu’on peut traiter, on traite. Si c’est une cause infectieuse, si le bilan, le prélèvement vaginal montre qu’il y a une infection chez la femme, on traite. Seulement, il y a une pathologie qu’on rencontre très souvent chez les hommes, c’est la varicocèle, c’est qu’au niveau des vaisseaux sanguins qui vont dans le testicule, il y en ait quelques uns qui sont dilatés et lorsqu’ils sont dilatés, ils emmènent un circuit de sang dans le testicule. La température du corps est de 37°, la température des testicules est de 36°, parce que les testicules ne supportent pas 37°, c’est pourquoi ils sont à l’extérieur du corps dans des bourses. Si pour une quelconque raison on a une température du corps qui monte à 37°, parce qu’on porte des survêtements serrés ou parce qu’on a des veines dilatées, la température des testicules augmente et lorsque la température des testicules augmente, cela donne des anomalies du sperme.
Est-ce que les hommes sont prompts à suivre les traitements comme il se doit ?
Les hommes sont orgueilleux. Ils ne peuvent pas accepter qu’ils sont peut être en cause dans l’infertilité de leur couple, quand on leur demande de faire une analyse des spermes la plupart refusent. Pour analyser le sperme, il faut se masturber, certains refusent pour ça. Les femmes en général ne posent aucun problème, elles viennent spontanément, elles se prêtent au jeu, elles font leur bilan, elles font leur échographie et tout, mais ce sont les hommes le problème, car ils sont têtus, orgueilleux. Penser que la femme est responsable des problèmes d’infertilité, c’est une injustice sociale. Et il faut le dire, les hommes sont impliqués dans 66 % des cas d’infertilité.
M.T.GAYE
ENCADRE
In vitro au Sénégal, c’est 2 voire 3 millions de FCfa
La fécondation in vitro a redonné le sourire à beaucoup de femmes qui souffraient de ne pas connaître les joies d’une grossesse. Le médecin Moustapha Thiam fait partie de la vingtaine de gynécologues qui ont mis en place la plateforme Fécondation in vitro (Fiv). Au Sénégal, le traitement coûte entre 2 et 3 millions. «Nous avons envoyé des patients chez ce collègue et ils ont eu 25% de réussite. C’est la moyenne. C’est le salut pour beaucoup de couples, c’est le dernier recours. En Afrique, même si le problème vient de l’homme, quand on fait une fécondation in vitro, c’est plus la femme qui travaille, parce que c’est elle qui va prendre des piqûres, c’est elle qui fait la simulation, c’est chez elle qu’on va faire la ponction et l’homme ne donne que son sperme, bon ou mauvais, il ne donne que son sperme», informe Abdoulaye Diop, médecin-obstétricien.
M.T.GAYE
CONSEILS : Un homme qui mange cinq fruits par jour, aura une bonne fertilité
Tous les médecins vous le diront, pour avoir une bonne fertilité, il faut manger cinq fruits par jour. Et des praticiens ne le cachent plus aux hommes, le déficit de fruits chez un homme fait qu’on a des spermatozoïdes pressés. Et donc de mauvaise qualité.