L’anonyme Hadjibou revit sous le halo des lumières, á la faveur de quatre questions accompagnées d’une accusation gravissime á l’endroit du «généreux» locataire du Palais. Et coucou revoilà Cheikhe Hadjibou Souaré au devant de la scène d’un crime de lèse majesté sur un prétendu don financier de Macky Sall à Marine Le Pen de 7, 9 milliards de FCfa. Un fait grave. Une accusation gravissime. Le gouvernement du Sénégal n’a pas tardé á apporter une réponse cinglante á la mesure de l’accusation. «Ce sont des insinuations lâches, fallacieuses, malveillantes et indignes de quelqu’un qui a occupé de hautes fonctions étatiques», dément le gouvernement qui n’exclut pas de porter plainte. Habib Niang, un des responsables thiessois de l’Apr recadre par ses mots á lui également Hadjibou Soumaré. «Ce genre de débat n’honore pas son statut d’homme d’Etat», s’émeut-il. Depuis, dans les médias, il y en a que pour Hadjibou Soumaré. Mais qui est ce personnage qui a réussi á éclipser Ousmane Sonko ces temps-ci dans les médias ? Lui qui n’est pas habitué á des déclarations fracassantes, comment a-t-il pu sortir cette énormité sans prendre de gants ?
Hadjibou Soumaré, a occupé le très convoité fauteuil de la Commission de l’Union monétaire ouest-africaine. Le monsieur n’a pas pour habitude de se retourner…Malgré sa Candidature déclarée à l’élection présidentielle du 25 février prochain, l’ancien Premier ministre, Cheikh Hadjibou Soumaré non moins Président du mouvement «Démocratie et République» a un vécu.
Une plongée dans le royaume d’enfance du nouveau locataire du siège de la commission de l’Uemoa à Ouagadougou au Burkina Faso permet de percer les mystères du cheminement de ce thiéssois que beaucoup n’attendaient pas à pareille fête.
Orphelin de père à trois ans
On est en 1954, Hadjibou Soumaré est un gavroche insouciant de trois ans qui court les rues du populeux quartier de la Médina à Dakar. Quand une terrible nouvelle vient stopper sa course innocente dans les ruelles de son quartier. Son père, Alassane Soumaré, un entrepreneur réputé qui avait ses affaires à Dakar, passe de vie à trépas. Un décès brutal pour Mame Cheikh. Car, on vient de rendre son père au seigneur. Sans l’avertir. Hadjibou Soumaré devra désormais compter seulement sur sa mère Adja Fatou Aïdara Diop, une «grande dame» dont la mère, Marième Aïdara, est «Chérif», une petite fille du prophète Mouhamad. Tout son amour de chérubin, Mame Cheikh va le transposer à sa maman adorée. Le défunt père n’est plus de ce monde, mais il a laissé assez de biens pour inscrire ses enfants à l’école. Après cette nouvelle année tragique, sa mère rejoint la maison familiale à Thiès. Dans ce quartier Grand-Thiès, l’oncle Bounama Diop fait office de «père» et veille sur la fratrie des Soumaré. Hadjibou, l’unique garçon de la fratrie, est au milieu, entre deux sœurs, Adja Marie, l’aînée, et Ndèye Khady Soumaré. Quand sa maman s’est remariée quelques années plus tard, le petit Hadjibou aura un frère, Cheikh Talibouya Ndiaye et quatre sœurs : Rokhaya, Ndella, Nafi et Marème Ndiaye.
A la maison, l’oncle Bounama Diop, fonctionnaire au service des mines ne ménage personne et veille à la dure sur son neveu Hadjibou. La grand-mère Marème Aïdara s’interpose parfois pour tenter de protéger son petit-fils orphelin, qu’elle se faisait un malin plaisir d’appeler «Mame Cheikh», le surnom va lui coller à la peau. Comme ce pif énorme qui mange son visage et qui a toujours rythmé les éternelles railleries des cours de récréation de ses différentes écoles.
Teint clair, regard timide, un brin nonchalant, Mame Cheikh cache un tempérament de feu, qui sait d’où il vient et où il va. A l’école élémentaire de Grand-Thiès, Hadjibou Soumaré est volontaire, il se tue à la tâche pour maîtriser ses leçons, seul moyen de s’épanouir dans cette maison où l’oncle veille au grain. Scrupuleusement. A 12 ans, Mame Cheikh réussit sans anicroche son examen d’entrée en sixième et obtient son certificat d’études primaires et élémentaires. Et le voilà collégien qui dévore goulûment les exercices de maths. Samba Demba Bâ, professeur de mathématiques, de sciences naturelles et même de sciences physiques note son ancien élève au collège de Grand Thiès : «Nous étions avec le professeur Demba Cissokho, les deux noirs de l’établissement, les autres étaient des coopérants français. Dans ma classe qui comptait 34 élèves, Hadjibou passait pour un bon élève, polyvalent.» Etait-ce le genre marginal et nonchalant ? «Il lui arrivait de se révolter, parce que c’était inhérent à sa personnalité. Mais c’est juste pour montrer qu’il avait des principes», souffle son ancien professeur.
Ami d’enfance du ministre des Finances, Abdoulaye Diop
Grâce à ses principes, Hadjibou, l’enfant gâté par sa maman, qui a tous les traits de son défunt père, s’ingénie à rester exemplaire à l’école. Après le Bepc (actuel Bfem), cet amoureux des matières scientifiques Il est orienté, avec seulement deux autres condisciples, en série D au lycée Malick Sy de Thiès. Le hasard met sur son chemin un copain et voisin de quartier : Abdoulaye Diop, actuel ministre d’Etat, ministre de l’économie et des Finances, auprès de qui, Hadjibou a été délégué comme chargé de budget. Complices, les deux ados s’activent avec appétit au sein de l’association sportive et culturelle (Asc) Grand-Thiès. Ils sont voisins, frères et amis dès le bas âge. Adultes, ils sont complices, collaborateurs loyaux qui ont formé à partir de l’an 2001 un binôme singulier à la table du Conseil des ministres. Un destin lumineux savamment et patiemment préparé sur les tables-bancs de Malick Sy où Mame Cheikh a obtenu son bac.
L’Université de Dakar lui ouvre ses bras en 1972-1973. Les années de fac passent vite pour ce «rat de Bibliothèque» qui décroche sa maîtrise de sciences économiques en 1979. Le marché de l’emploi ne le tente pas encore. Alors, il décide de passer le concours de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM), section inspecteur du Trésor. Où incroyable hasard, il rencontre un vieil ami de Thiès : Abdoulaye Diop. Ils ne se sépareront plus. En 1981, Hadjibou sort de l’Enam avec son parchemin d’inspecteur du trésor. Il mène une vie rangée. Affecté à l’intérieur du pays, il découvre les réalités du Sénégal profond. Il sert à Sédhiou, Bambey, Kaolack…Puis il occupe le poste de directeur de la monnaie et du crédit en 1990…
Les décès de son oncle et de sa grand-mère renforcent sa foi
Jeune cadre promis à un avenir radieux, Mame Cheikh fait la connaissance d’une fille de «bonne famille» Fatma Guiro, habitant Rufisque. Le mariage est scellé. Il sera père de deux enfants : Pape Jean Soumaré et Cheikhou Soumaré. A chaque fois que de besoin, Hadjibou va «constamment à Thiès se ressourcer», «entre dans les concessions du quartier» pour s’enquérir des nouvelles des gens. Sa maman embellit le tableau : «Je suis d’un certain âge, mais Hadjibou se comporte toujours en fils exemplaire, il est toujours un enfant à mes côtés et ne cesse de solliciter des prières devant moi.» Des incantations qui ont toujours eu un bel écho dans la carrière de Mame Cheikh.
Le 23 mai 2001, l’homme taiseux au visage imperturbable est nommé ministre délégué, auprès du ministre des Finances, chargé du Budget et de l’Habitat. Puis le 6 novembre 2002, ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances chargé du budget. La même année, son oncle Bounama Diop a la santé vacillante. Mame Cheikh s’occupe de tout et se préoccupe au fil des jours de l’état préoccupant de celui a éternellement veillé sur son épanouissement. Quelques jours plus tard, on lui annonce le décès de son oncle, alors que le ministre délégué accueille une délégation de la Banque Mondiale. Cissé Thiam, l’ami d’enfance, en garde un souvenir parlant : «C’est lui alors, en tant que ministre délégué, qui a enlevé son grand boubou pour le porter sous terre. Il n’avait qu’un sous-vêtement et il est entré à l’intérieur de la tombe pour enterrer son oncle. Il y a eu des frissons dans la foule, car tout le monde savait ô combien il était très lié à lui.»
Ce énième décès, après celui de son père et de sa grand-mère, renforce sa foi. Dans sa villa sise à Liberté 6 Extension à Dakar, il écourte ses nuits de sommeil pour aller prier à la mosquée le matin de très bonne heure. Le voisinage loue sa disponibilité. A la surprise générale, à 56 ans, l’élève «passable» surprend son monde, quand Me Wade le nomme au poste de Premier ministre le 19 juin 2007. Il occupe le «très compliqué poste» jusqu’à avril 2009. A son départ de la primature, il effectue ensuite une retraite de la vie publique nationale. S’exile à Dubaï. Jusqu’à ce que son nom soit agité pour occuper le prestigieux fauteuil de la présidence de la Commission de l’Uemoa… et de viser fauteuil tant convoité du palais présidentiel