Elle entonne une longue litanie de «Laye ! Laye ! », la voix chaude, grave, enfiévrée. Adjara pose à même le sable fin de Cambèrène, elle est là, mais sa présence passe inaperçue, de par son calme et sa timidité. Le teint clair, la douce Adjara est tranquillement assise dans un coin de la tente. Alors que les vagues au loin se montrent calmes, Adjara est noyée dans la foule surexcitée mais sereine de fidèles. Les yeux rivés au sol, elle goûte religieusement aux paroles du conférencier Mamadou Lamine Laye, vêtu d’un grand boubou traditionnel basin blanc. Adjara est une étudiante de 21ans, elle n’est pas issue d’une famille «Layène», mais a une histoire singulière avec cette communauté. «Mes parents sont des mourides, mais Il a deux ans, je voyais Seydina Limamou Laye en rêve, j’en ai fait part à des amis «layenne» qui m’ont fait comprendre que je devais rejoindre cette confrérie car je suis des leurs», murmure-t-elle, un brin gagné par l’émotion.
Et depuis ce jour, cette habitante de Rufisque répond le pas pressé à tous les appels du « Mahdi». Pour cette étudiante en infographie, les vœux formulés à l’occasion de l’appel sont toujours exaucés. «En dehors de l’appel je viens chaque vendredi prier dans le Mausolée de Seydina Limamou Laye et je peux vous garantir qu’à chaque fois, mes problèmes trouvent solution», confie-t-elle d’une voix douce.
Comme Adjara, elles sont nombreuses ces femmes et filles qui ont noué une relation sincère avec «Baye Laye». Elles sont assises depuis les premières heures et chantent sans s’arrêter, les visages contents et sublimés. Hier elles ont massivement répondu à l’appel du Mahdi. Parée de leurs plus belles tenues, le blanc leur couvrant le corps. «Elles sont l’attraction de l’appel à chaque commémoration que Dieu les bénisse», avoue Sakhir, un habitué des événements Layènes séduit. Elles chantent, assises à même le sol, belles, jeunes et suscitent la curiosité des caméras et des feux des photographes. Quelque fois, la tenue blanche est assortie de bleu, de gris ou de doré. A 80ans, Maty Laye n’attire pas les télés, dans le silence de son coin, elle égrène son chapelet avec passion, marmonne avec dévotion les «zikrs» repris en cœur par l’assemblée. C’est beau, un hymne à Allah, à la paix, le thème de cette année. Maty exhibe son teint noir, sa bouche édentée par le poids de l’âge sans complexe. Elle habite la grouillante Guédiawanye et assiste à l’appel depuis l’âge de 20ans. Elle en a vu défiler des éditions. «Nous venons prier et nous acquitter de nos aumônes pour l’amour du Mahdi», révèle-t-elle.
Soda Laye le teint chahuté par une dépigmentation défectueuse, elle revient sur ses relations avec la famille de Seydina Limamou Laye et de Serigne Ousseynou Laye en particulier. «J’ai été très touchée par le décès de Serigne Ousseynou Laye c’était un ami en quelque sorte. Son décès en Mai 2009, a coïncidé avec la naissance de mon fils, je n’ai pas hésité à lui donner le nom de mon garçon», déclare-t-elle. Soda est plus que convaincue de la véracité des bienfaits de l’appel. «J’ai toujours souhaité avoir un mari «layène » et Dieu men a gratifié cette année, il a quitté récemment le brésil pour assister à l’appel. Je ne peux que rendre grâce à Mame Limamou Laye», confie-t-elle, le sourire aux lèvres.
«Je n’ai eu que des bienfaits en assistant à l’Appel… »
Isseu Niang affiche une mine radieuse, un beau make-up, un foulard bien noué comme à l’air du temps, un teint étincelant, elle respire la forme, la foi éclaire son visage. Assistante sociale à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, Isseu participe régulièrement à l’appel. L’efficacité des prières elle n’en doute point : «Depuis que je fréquente cet appel, je ne vois que des biens faits. J’ai été promue dans mon boulot et l’année dernière J’ai prié pour ma fille qui a été mariée deux mois plus tard», jure-t-elle la main sur le cœur. Les «zikrs » reprennent de plus belle ici les règles sont strictes, dures, fermes, pour les femmes : Pas de mèches ni de greffages ou un quelconque artifice. Elles doivent être entièrement recouvertes pour accéder sur les lieux. Juste après ses confidences, Isseu a vu son voile s’incliner légèrement. Malheureusement pour elle, Isseu a failli se faire couper la mèche qui débordait sur son dos. Furieuse elle toise le «policier en tenue militaire» d’un regard noir et l’avertit. «Il fallait essayer pour voir», menace-t-elle. La paire de ciseaux à la main l’homme chargé de faire la police sans piper mot rebrousse chemin et disparait dans l’assistance. Assise à côté de Isseu, Rokhaya témoigne : «L’année dernière une fille a perdu ses cheveux naturels ici elle était mal recouverte, un homme s’est approché avec une paire de ciseaux et les a coupés. » une femme avertit en vaut… cet incident tourné l’appel continue son cours. A la fin de la cérémonie, les fidèles se ruent vers les mausolées pour se recueillir. Adjara se lève enfin de sa longue position assise et se perd dans la foule qui se disperse…