Par Mouhamadou Madana Kane »
Le contexte politique actuel est marqué par de nombreux questionnements sur la fiabilité et la transparence du processus de contrôle des parrainages citoyens. Cette situation nous impose de vous adresser la présente lettre, pour manifester notre incompréhension par rapport à un certain nombre de faits concernant les candidats dont les fichiers électroniques ont été jugés « inexploitables », et dont je fais partie.
Nous ne comprenons pas la notion de « fichier électronique inexploitable », qui n’est prévue ni dans le code électoral, ni dans la décision No.1/E/2023 du Conseil Constitutionnel relative aux modalités de contrôle des parrainages. Qu’est-ce qui rend un fichier techniquement inexploitable ? Est-ce le fait que le fichier ne puisse pas être lu par le logiciel du Conseil Constitutionnel ? Si oui, qui doit en apprécier ? L’appréciation doit-elle être le seul fait des informaticiens du Conseil Constitutionnel – qui à notre connaissance ne sont pas des agents assermentés –, ou doit-elle être d’ un commun accord avec les candidats ou leurs mandataires et représentants ?
En rapport avec les précédentes interrogations, nous ne comprenons pas qu’aucun procès-verbal n’ait été établi à la fin de la séance de contrôle des parrainages, afin de constater, le cas échéant, les motifs d’inexploitabilité de nos fichiers électroniques. Pourtant, l’article 12 de la décision du Conseil Constitutionnel préconise clairement l’établissement d’un procès-verbal à la fin de la séance de contrôle.
Aussi, nous ne comprenons pas que, jusqu’à date, la Commission de contrôle des parrainages ne nous ait pas adressé de notification sur les conséquences à tirer du caractère « inexploitable » de nos fichiers électroniques. En présence d’un vide juridique sur la question, faut-il en tirer pour conséquence que lesdits candidats sont exclus ? Ou bien, faudrait-il comprendre par ce silence que le Conseil Constitutionnel se réserve le droit de statuer sur ces cas dans le cadre des recours légaux permis par le code électoral ?
Nous ne comprenons pas que l’argument d’ « inexploitabilité » soit évoqué au moment du contrôle, alors que l’article 3 de la décision susvisée du Conseil Constitutionnel dispose que « tout vice affectant le fichier électronique fait l’objet d’une mention sur le récépissé de dépôt ». En d’autres termes, c’est au moment du dépôt du dossier de candidature (dont la date limite était le 26 décembre 2023) et non le jour du contrôle, que le greffe du Conseil Constitutionnel aurait dû notifier aux candidats tout problème technique pouvant entrainer « l’inexploitabilité » de leurs fichiers électroniques de parrainages. Dès lors qu’aucun vice n’a été mentionné sur le récépissé de dépôt de candidature remis aux candidats, le motif d’ « inexploitabilité des fichiers électroniques » devrait-il être imputé aux candidats ? Ces derniers devraient-ils être pénalisés alors même qu’ils n’ont aucune maîtrise ou information sur le logiciel de contrôle des parrainages du Conseil Constitutionnel ?
Par ailleurs, nous ne comprenons pas que les fiches physiques de collecte de parrainage qui nous ont été distribuées par la CENA, et qui contiennent les signatures authentiques des parrains, ne soient aucunement mis à contribution pour contrôler les parrainages, surtout lorsque la Commission de Contrôle se trouve confrontée à des difficultés techniques à contrôler les fichiers électroniques. Quelle est alors l’utilité de ces fiches physiques, imprimées ou photocopiées à coup de centaines de milliers de francs, sans compter les ressources humaines mises à contribution pour les renseigner ?
Excellences Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Sages du Conseil Constitutionnel, toutes ces questions, restées jusqu’ici sans réponse, nous interpellent et interpellent l’ensemble de nos militants, des centaines de milliers de citoyens sénégalais qui ont consenti à parrainer notre candidature, et qui n’arrivent pas à comprendre qu’au moment où un appel est fait pour des élections inclusives, des candidats soient tout bonnement exclus sans contrôle préalable de leurs parrainages.
Au-delà des incidences sur la fiabilité du processus électoral que ces questions peuvent soulever, le contrôle effectif de nos fichiers de parrainages est un enjeu démocratique et même constitutionnel. Il s’agit de garantir l’égalité de tous les citoyens devant la loi.
Mouhamadou Madana KANE
Candidat de la Coalition Dundu à l’élection présidentielle du 25 Février 2024
Docteur en droit
Ancien Directeur Général de Banque.