Aujourd’hui, l’on va s’intéresser à la vie de Marie Ndiaye. Née d’une mère française et d’un père sénégalais, Marie NDiaye grandit dans une HLM de la banlieue parisienne avec son frère aîné (l’historien Pap NDiaye [la Condition noire, 2008], de deux ans son aîné) et sa mère, professeur de Sciences naturelles – son père étant retourné vivre au Sénégal, peu après sa naissance. Cet environnement familial, rare pour l’époque, fait inconsciemment de cette fillette très sociable une enfant différente, « décalée ». Peu entourée de livres, la petite fille se passionne cependant rapidement pour la lecture et, dès l’âge de 12 ans, se voue à l’écriture : « J’espérais qu’elle me sauve de la vie réelle et ordinaire qui me semblait terrifiante. Qu’elle fasse de moi quelqu’un de spécial, d’unique même. J’avais l’impression, enfant, d’être invisible. J’espérais, sans que cela soit conscient, que l’écriture me rendrait visible et me protégerait en même temps. »
Marie NDiaye se passionne pour Marcel Proust et Henry James, mais aussi pour Joyce Carol Oates dont le roman Eux (1969) la bouleverse. Elle écrit abondamment et jette dans les mêmes proportions, jusqu’à juger un de ses romans « montrable ». Elle n’a que 17 ans, prépare son baccalauréat et se dit qu’« il faut [qu’elle soit] déjà écrivain pour ne pas être obligée de faire quoi que ce soit d’autre ». Elle envoie alors un manuscrit à trois éditeurs ; Jérôme Lindon, des Éditions de Minuit, le premier lui fait signer un contrat, dès la sortie du lycée. Quant au riche avenir sort en 1985 et Marie NDiaye, forte de l’idée romantique « de n’être qu’un poète », abandonne rapidement ses études de linguistique.
L’écrivain Jean-Yves Cendrey, bouleversé par ce premier roman racontant les souffrances d’un lycéen vivant une histoire d’amour impossible, écrit à son auteur. Ils se rencontrent alors et ne se quittent plus, partageant désormais leur vie, leur regard critique et parfois leur plume (Puzzle, 2007). Pendant ses études, Marie NDiaye avait obtenu une bourse pour étudier à la Villa Médicis, à Rome ; depuis, le couple ne cesse de déménager de Paris à la Rochelle, de la Normandie au Bordelais ou encore à Berlin.