(Par Matar DIOUM)
«De par sa position géographique, le Sénégal est un pays carrefour largement ouvert sur l’Océan Atlantique. C’est la raison pour laquelle c’est un pays de voyage dans les 2 sens inverse : car le Sénégal reçoit beaucoup d’étrangers mais compte également des milliers de ses fils installés à l’extérieur. Des milliers disons nous car jusqu’à une période récente, aucune statistique officielle indiquant le nombre exact de sénégalais résidant hors de leur pays d’origine n’est disponible malgré l’existence de plusieurs projets et programmes de recensement des sénégalais de l’extérieur en collaboration avec l’Organisation Internationale pour les migrations ( OIM).
A cet effet depuis un certain temps, on note une recrudescence des attaques de nos compatriotes expatriés contre des représentations diplomatiques établies à l’étranger. Ces attaques sont d’autant plus graves et injustifiées qu’elles visent les Consulats généraux et les services consulaires des Ambassades. Ils ne se contentent pas de saccager les documents consulaires mais exercent aussi des violences physiques et verbales sur le personnel expatrié et local mais aussi sur les usagers qui ont eu la malchance de se trouver sur les lieux au moment des faits.
Si sur la carte diplomatique, on peut voir notre pays ouvrir des Ambassades dans des pays à faible concentration de sénégalais (Kenya, Pologne, Malaisie) , l’ouverture d’un Consulat général ou honoraire ou d’un Bureau consulaire reste toujours subordonnée à l’existence d’une forte communauté sénégalaise dans cette localité conformément aux recommandations du Symposium sur le Nouveau Partenariat avec les Sénégalais de l’extérieur en 2001.
Le Consulat, doit-on le rappeler, a une mission de gestion, de protection et de promotion des sénégalais de l’extérieur. S’attaquer à un tel outil, c’est retourner son arme contre soi. N’est-ce pas le service consulaire qui reçoit les déclarations de naissance, de mariage et de décès de nos compatriotes expatriés ? Tout sénégalais qui meurt à l’étranger mérite d’être inhumé dans sa terre natale. Et dans ces malheureuses circonstances, le Consulat est au début et à la fin de tout le processus allant des Pompes funèbres jusqu’au rapatriement de la dépouille.

S’attaquer à ses représentations diplomatiques, c’est priver nos enfants d’actes de naissance si par malheur le fichier et les registres d’Etat civil n’ont pas fait l’objet d’une informatisation.
A cela s’ajoutent les dégâts collatéraux à la délivrance des passeports, un document indispensable à tout sénégalais résidant à l’extérieur. Le service consulaire a également une mission de promotion et de protection des citoyens sénégalais de sa circonscription diplomatique à travers les mécanismes de protection consulaire prévus par la Convention de Vienne. Les représentations diplomatiques et consulaires constituent aussi des espaces de promotion des sénégalais de l’extérieur avec la mise à leur disposition d’outils de financements composés de projets et programmes de l’Etat et destinés à favoriser l’investissement des sénégalais de l’extérieur aussi bien au niveau de leur pays d’accueil que de leur pays d’origine.
Nécessité s’impose donc de sensibiliser davantage nos compatriotes expatriés sur les préjudices actuels et à venir que de tels actes peuvent engendrer. Il est vrai que la typologie du migrant sénégalais varie selon le pays d’accueil. Dans des pays comme la France, le Canada ou la Belgique, la communauté sénégalaise est généralement composée d’étudiants et de cadres ayant terminé leurs études et qui ont choisi de s’y installer et d’y travailler. Par contre, dans les pays de l’Europe du Sud (Italie, Espagne) et de l’Afrique Centrale et de l’Ouest, on a surtout une
migration analphabète et rurale.
Préservons alors nos représentations diplomatiques et consulaires car il y va de l’image de notre pays mais aussi et surtout de l’efficacité de notre politique migratoire car comme pour paraphraser Maurice DUVERGER « un Etat fort au sens positif du terme, c’est un Etat dont la présence se fait sentir sur tout le territoire national mais aussi sur tout territoire étranger abritant ses fils.»
M. Matar DIOUM
Ancien DAGE du Ministère des Sénégalais de l’Extérieur
Premier Administrateur Général du FAISE
Chargé des Affaires Consulaires
à l’Ambassade du Sénégal à Yaoundé
et au Consulat Général du Sénégal à Madrid
DAF du Haut Conseil du Dialogue Social (HCDS)