Il est béninois du côté de son papa, un ancien combattant de l’armée française qui s’est arrêté à Dakar comme d’autres s’exilent en Amérique. Joseph Koto lui ne s’est jamais rapproché de ce Bénin lointain ni n’a jamais éprouvé le besoin d’interroger ses origines. Il s’est juste arrêté une fois, en transit, à l’aéroport de Cotonou, du temps où il était international sénégalais. Ce qui ne permet même pas de reconnaître les récits du papa à travers les hublots de l’avion. Alors, «bout de chou» convoque aujourd’hui la surprise et s’étonne qu’on lui ressasse ce Bénin qui ne lui parle pas plus que ses premières godasses. Il lance : «Est-ce grave ?» Il se répond à lui-même et sourit comme pour décongestionner cette touffeur afro-africaine. Il n’a jamais souffert de la question puisque personne n’est jamais venu lui rappeler qu’il n’est pas «sénégalais à 100 %.» Il fréquente pourtant des
béninois établis au Sénégal avec qui il prend «plaisir à discuter.» Comme quoi…
De son papa, Koto a hérité d’un catholicisme sans fard ni faux-semblant. Ce qui lui donne parfois cet air bigot qui prend sa source dans une profonde éducation religieuse. Sa maman, casamançaise de souche, ne se séparait jamais de son chapelet. Koto lui se signe partout. Autour du bol de riz comme à l’entrée du stade. Dans une ostentation qui rappelle que ce footeux quadragénaire est un homme de chapelle doublé d’un patriquant convaincu. Il dit : «Je vais chaque dimanche à la messe. Je ne fume pas, je ne bois.»
Il est un enfant de la «vieille dame» qui ne respire au fond que pour cette Jeanne d’Arc de Dakar qui l’a façonné à la fin des années 70, dépouillé de ses déchets et permis de figurer sur les clichés de la belle époque du club. Cet ancien ailier droit de formation, au football appliqué, à la vitesse pure, qui ne jouait que pour poser des cacahuètes sur le crâne de son avant-centre, a carburé à la sueur pour user ses défenseurs et mériter une carrière rectiligne. Joseph Koto n’avait ni la contenance insolente des amuseurs publics ni la patte souple des inclassables du jeu. Il ne surfait pas sur les prédispositions impertinentes d’un «boy bandit», de Thierno Youm, ou d’un Ibrahima Diakhaby. Sa génération était riche, Koto a côtoyé tous les cracks de son époque à la Ja comme en équipe nationale, mais «bout de chou» ne s’est jamais démobilisé autour de son football. De l’ancien ailier de la Ja, l’indécrottable Laye Diaw a dit un jour : «Koto ne fait jamais de mauvais matches. Même dans les jours où il n’est pas inspiré, il réussi toujours ses coups.» Aujourd’hui, le discours n’a pas changé et le même Laye Diaw réitère ses propos. Il dit : «Koto ne perdait jamais le sourire. Il avait un bon mental comme joueur, était équilibré et toujours égal à lui-même.»
Lui qui avait fourbi ses armes sous les ordres de Sarr Mbadane a été un footballeur précoce avec un brevet de «révélation du football sénégalais» avant de s’accaparer de l’étiquette effrontée d’apprenti footballeur aux godasses trempées dans du fer qui finit par reléguer sur le banc de touche, la vieille garde du club, les Séga Sakho et autres Médoune Fall. Koto avait su dominer ses lacunes pour flamber lors d’un tournoi à Bamako dans les années 80 et ne plus quitter l’équipe première de la Ja.
Il sera aidé en cela par son mentor de toujours, Laye Sow, ancienne figure grossissante de la «vieille dame» et du foot local qui lui offrira par la suite sa première cape en sélection lors du championnat du monde scolaire et universitaire à Montevideo (Uruguay). Le jeune Koto termine deuxième meilleur buteur du tournoi et s’invente un destin avec les «Lions». Aujourd’hui, la seule évocation de cette époque de gala pour le foot local et le nom de Laye Sow suffit «à mouiller (ses) yeux.» (A SUIVRE)